Naftali Bennett, le triomphe du nationalisme mystique juif

Si Naftali Bennett parvenait à succéder à Benyamin Nétanyahou comme cela semble probable, il deviendrait le premier chef d’un gouvernement israélien issu ni de la frange travailliste du sionisme, ni de sa frange nationaliste. Leader du parti Yamina, il incarne la mouvance coloniale la plus active d’un sionisme religieux aux forts accents mystiques.

Au sein du sionisme ultranationaliste religieux, beaucoup y ont rêvé avant lui ; Naftali Bennett est en train de le faire. Il pourrait être dans les prochains jours le premier chef d’un gouvernement israélien issu ni du sionisme dit « socialiste » qui a régné sur ce mouvement dès les débuts du XXe siècle puis sur l’État d’Israël jusqu’en 1977, ni de la droite sioniste traditionnelle, surnommée « révisionniste », qui a uni conservateurs et ultranationalistes et s’est accaparé la gestion de l’État durant 40 des 44 dernières années.

Après avoir dirigé le résidu politique du Parti national religieux historique (PNR, qui a plusieurs fois changé de nom et dont l’acronyme hébraïque est Mafdal), Naftali Bennett est le leader de Yamina (À droite), un mouvement réunissant des religieux ultranationalistes et des Juifs séculiers tout aussi ultranationalistes. Lui-même appartient à la première des deux fractions. Non seulement il porte une kippa, mais il porte celle, brodée, de la fraction religieuse la plus activiste et la plus ancienne du sionisme religieux nationaliste.

Par sa formation et son parcours, il est l’héritier spirituel du Gouch Emounim, ce Bloc de la foi dont les premiers activistes ont surgi peu de temps après la guerre de juin 1967 de l’intérieur du PNR, et qui a joué un rôle prééminent dans l’accaparement par Israël des territoires qu’elle occupe depuis lors, surtout en Cisjordanie. Le Bloc de la foi a disparu en tant que tel, mais il perdure aujourd’hui, éclaté en diverses mouvances. À commencer par l’appropriation continue de la « Terre d’Israël » dans les territoires conquis en 1967 et son corollaire, l’expropriation des Palestiniens, les idées qu’il a portées sont incarnées depuis dans des faits accomplis qui n’ont jamais cessé.

« Vous grimpiez encore aux arbres »

 

Vu les méandres et les aléas de la politique institutionnelle israélienne, et les alliances les plus improbables auxquelles on assiste quand la gauche sioniste accepte d’entrer dans un gouvernement qui serait présidé par Bennett, personne ne peut encore savoir où celui-ci va exactement aller dans l’immédiat ni pour combien de temps il est en place. On sait en revanche très bien d’où il vient et ce qu’il veut. Bennett est issu d’une école de pensée qui privilégie la mystique de la terre alliée à une mentalité coloniale et un racisme assumés. Et il veut l’ancrer plus encore qu’elle ne l’est déjà.

En septembre 2010, alors qu’il préside Yesha, l’organisme représentatif des colons israéliens dans les territoires palestiniens occupés, Bennett accepte un débat télévisé avec Ahmed Tibi, un député palestinien. Celui-ci s’emporte, le traite de « colonialiste ». Au début, Bennett reste calme. « Je vais le dire simplement et clairement. La Terre d’Israël est à nous, elle nous a appartenu longtemps avant que l’islam ne soit créé. » Mais Tibi s’entête, le traite d’« usurpateur ». Alors Bennett ouvre les vannes : « Vous grimpiez encore aux arbres quand un État juif existait déjà »1

Cette fois-là, Naftali Bennett avait perdu son sang-froid. L’idée qu’il avait exprimée, assimiler les Arabes aux singes comme le faisaient des noirs les suprémacistes blancs du Sud américain ne lui était pas étrangère. Mais contrairement à une flopée de rabbins des colonies juives ou d’activistes de l’extrême droite coloniale israélienne — personnages souvent ascétiques dont beaucoup exhalent une agressivité raciste sans limites —, il a toujours fait de grands efforts pour montrer une face policée, moderniste, presque rationnelle, de ce que l’association des droits humains israélienne B’Tselem n’appelle désormais plus autrement que le « suprémacisme juif » à l’égard des Palestiniens. Cependant, il incarne aussi une forme de liberté de ton désinhibée qui s’est de plus en plus enracinée dans l’arène politique israélienne. Et de temps à autre, ce qui semble être sa nature profonde ressort de la boite. En août 2013, il déclare : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, et ça ne me pose aucun problème. »2 D’ailleurs, cette déclaration ne lui en a pas posé non plus.

Bennett nait en 1972 dans une famille juive californienne qui s’est installée en Israël un mois après la guerre de juin 1967. Sa prime enfance est voyageuse, entre Israël, les États-Unis et le Canada, au gré des pérégrinations d’un père spécialiste de la levée de fonds. Au départ, ses parents sont des juifs modérément pratiquants. Mais leur fils se retrouve vite au sein du mouvement de jeunesse sioniste religieux, le Bnei Akiva. Ce mouvement est alors un maillon très important du bouleversement que connait le sionisme religieux.

Initialement, la direction du PNR fait partie de la frange modérée du sionisme sur les enjeux territoriaux, et plus généralement dans son rapport à son environnement arabe. Sa direction était des plus réticentes à l’entrée en guerre d’Israël en 1967. Elle sera encore hostile à l’invasion du Liban en 1982. Mais un vent de nationalisme mystique a envahi ses troupes après la victoire de 1967, qui pousse la jeunesse du Mafdal à se lever contre une vieille direction perçue comme timorée et à s’engager avec ferveur dans la colonisation des territoires palestiniens conquis. Lorsque Bennett est adolescent, son mouvement de jeunesse, le Bnei Akiva, est totalement acquis à cette mouvance émergente.

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Sylvain Cypel

 

 

 

 

 

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Source : Orientxxi.info (Le 08 juin 2021)

 

 

 

 

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