Un nouveau gouvernement de 28 membres — dont 3 ministres délégués — a été formé vendredi au Mali où les militaires auteurs de deux putschs en neuf mois gardent la haute main sur les ministères régaliens.
Entre temps, l’ambiance s’est tendue entre Bamako et son allié français après des critiques sur la légitimité du nouveau président de la transition, le colonel Assimi Goïta.
Jeudi, c’est toute une partie du Sahel que le président Emmanuel Macron a mise face à ses responsabilités en annonçant la fin de l’opération française antijihadiste Barkhane, présente au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, au profit d’une coalition internationale dont les contours restent à préciser.
Mais il a d’abord visé le colonel Goïta, investi lundi président de la transition au Mali, en le qualifiant de « putschiste » et reprochant à l’Afrique de l’Ouest de l’avoir « reconnu » comme président de transition, « six mois après lui avoir refusé ce droit ».
Les militaires maliens n’ont pas publiquement pris la parole depuis, mais l’annonce de ce gouvernement pourrait être « un signal qu’ils ont le pouvoir et comptent bien l’exercer », selon un diplomate africain à Bamako.
De fait, les principaux ministères régaliens du nouveau gouvernement sont aux mains des militaires.
Parmi eux, le colonel Sadio Camara, l’un des meneurs du coup d’Etat d’août 2020, qui retrouve la Défense après avoir été évincé du gouvernement fin mai par l’ex-président de la transition, Bah Ndaw, évènement considéré comme l’un des déclencheurs du second putsch en neuf mois du colonel Goïta.
Le colonel-major Ismaël Wagué, autre meneur du putsch d’août, garde le portefeuille de la Réconciliation nationale, tandis que l’ancien chef d’état-major adjoint des armées maliennes, le colonel-major Daoud Aly Mohammedine, et le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga prennent respectivement la tête de la Sécurité et de l’Administration territoriale.
« Ne pas prendre leurs responsabilités »
Après sa nomination, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, issu du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP, collectif d’opposants de religieux et de membres de la société civile), avait promis un gouvernement « inclusif » et « d’ouverture ».
Nominations notables d’ouverture parmi les 28 ministres: sept d’entre eux issus de formations membres du M5, dont celles de l’opposant décédé Soumaïla Cissé, vont siéger dans le nouveau gouvernement, notamment à la Refondation de l’Etat, l’Education nationale et l’Environnement.
Cette annonce intervient au lendemain de l’annonce de l’évolution de la posture française au Sahel, après huit de présence de présence ininterrompue de l’armée française, qui avait stoppé en janvier 2013 une colonne armée de jihadistes menaçant de s’emparer de Bamako.
Mais depuis les groupes jihadistes ont pris de plus en plus d’ampleur au fil des ans.
Pour M. Macron, les Etats sahéliens, Mali en tête, sont à blâmer: si de vastes territoires restent privés de services de base, c’est selon lui « parce que les Etats décident de ne pas prendre leurs responsabilités ».
« Les relations entre Bamako et Paris sont clairement tendues et (les annonces françaises) ne vont pas faciliter les choses », estime Ornella Moderan, cheffe du programme Sahel de l’Institut d’études de sécurité (ISS), en soulignant toutefois que la reconfiguration annoncée n’est « pas un retrait » et que le « dialogue n’est pas rompu » entre Paris et Bamako.
Assimi Goïta pensait sans doute pourtant avoir fait le plus dur en rassurant ses partenaires qui grinçaient des dents après le second putsch: il promettait lors de son investiture que le retour au pouvoir des civils aurait bien lieu début 2022, et s’était aussi engagé au respect d’un accord de paix crucial pour la stabilité au Sahel.
« La balle dans le camp du Sahel »
Pour le consultant en sécurité Mohamed Coulibaly, les derniers soubresauts au Mali sont un « prétexte » saisi par Paris pour annoncer une « voie de sortie honorable » face à « la crainte de l’enlisement ».
Vendredi, Paris a annoncé avoir tué début juin un important chef jihadiste, « responsable » du rapt en 2013 de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés dans le nord du Mali après avoir été pris en otage.
Il faisait partie de la mouvance jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
La ministre française des Armées Florence Parly a assuré que « l’engagement militaire (français) restera très significatif », alors que Paris déploie actuellement dans le Sahel quelque 5.100 soldats contre les jihadistes.
La fin annoncée de Barkhane au Sahel « n’est pas la fin de l’engagement » de la France dans cette région, a précisé vendredi à Ouagadougou Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, à l’issue d’un entretien avec le président Roch Marc Christian Kaboré.
« C’est une évolution de concept, un changement de modèle. Evidemment, la poursuite de la lutte contre le terrorisme fait partie de nos priorités, même si le modèle de Barkhane n’est plus le modèle adapté », a dit M. Le Drian à la presse.
Pour l’ancien Premier ministre malien Moussa Mara, la « balle est maintenant dans le camp des pays sahéliens et de leurs forces armées respectives ».
« Nos autorités doivent nous dire comment elles comptent relever les défis de la lutte contre le terrorisme, de la présence effective de nos administrations sur les territoires et de la sécurisation durable de nos populations ».
Source : AFP/VOA
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