
L’attaque sur les bureaux de l’agence d’Associated Press et de Al Jazeera, justifiée par la présence du Hamas dans l’immeuble, n’a pas fait de victime mais n’a pas échappé aux critiques, y compris aux Etats-Unis.
“Donnez-moi juste quinze minutes”, a plaidé un journaliste d’Associated Press au téléphone avec un agent du renseignement israélien. Samedi après-midi, le journaliste a tenté d’obtenir un court délai afin de sauver des archives et du matériel avant le bombardement des bureaux de l’agence à Gaza, raconte Al Jazeera.
Israël a prévenu les occupants de l’immeuble, l’un des plus hauts de l’enclave, environ une heure avant de l’attaquer. Le temps d’évacuer les équipes d’AP mais aussi d’Al Jazeera ainsi que les habitants de la soixantaine d’appartements du bâtiment. “Nous avons laissé l’ascenseur aux personnes âgées et aux enfants”, explique Youmna al-Sayed, reporter freelance pour Al Jazeera. Le bâtiment a été détruit comme prévu par un missile, sans faire de victime.
“Nous sommes choqués et horrifiés que les militaires israéliens aient ciblé et détruit l’immeuble hébergeant le bureau d’AP et d’autres organisations”, a commenté Gary Pruitt, le patron de l’agence dans un communiqué. La décision de Tsahal a provoqué “une indignation internationale et la condamnation des défenseurs de la liberté de la presse”, remarque le Washington Post, citant Joel Simon, directeur du comité pour la protection des journalistes. Il y voit une volonté de “perturber la couverture des souffrances humaines à Gaza”.
Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a rappelé que “toute attaque aveugle contre des structures médiatiques civiles viole le droit international et doit être évitée à tout prix”, se disant “profondément perturbé par la destruction du gratte-ciel qui abritait plusieurs médias internationaux”.
Israël a justifié l’attaque par la présence de ressources militaires du Hamas dans le bâtiment. “Vous devez comprendre que Gaza est un terrain extrêmement compliqué”, a déclaré à la presse le lieutenant Jonathan Conricus, un porte-parole de l’armée. Le Hamas “fait tout son possible pour cacher son infrastructure militaire dans les infrastructures civiles”, a-t-il ajouté.
Al Jazeera note qu’il s’agit d’un “argument classique” dans ce genre de situation et que le porte-parole n’a fourni aucune preuve pour étayer ses propos. Le Post souligne, de son côté, que la veille, AP, par “scepticisme”, n’avait pas relayé des informations selon lesquelles Tsahal s’apprêtait à entrer dans la bande de Gaza. L’armée israélienne, qui n’a finalement pas mené d’opérations au sol, a été accusée d’avoir volontairement trompé la presse étrangère. Les autorités ont avancé une confusion en interne, relève le quotidien américain.
Alors qu’Hady Amr, l’envoyé des Etats-Unis chargé d’aider à retrouver un “calme durable”, est arrivé samedi dans la région après la “pire semaine de violence à Gaza et en Israël depuis 2014”, relève la BBC, Joe Biden a appelé Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas. C’est la première fois qu’il a échangé avec son homologue palestinien dans son rôle de président.
Il “a réitéré son fort soutien” à Israël, indique Politico tout en exprimant son inquiétude face au nombre de victimes civiles (près de 150 côté palestinien, une dizaine dans le camp israélien depuis lundi).
Le New York Times observe d’ailleurs que des “divisions au sein du parti” démocrate sur la question israélo-palestinienne ont “éclaté publiquement”, accentuant la pression sur le locataire de la Maison Blanche. Le soutien indéfectible à Israël côté démocrate est remis en cause par l’aile gauche du parti, le Moyen-Orient faisant écho à des problématiques américaines comme l’égalité raciale ou le traitement des migrants à la frontière mexicaine, précise le journal. Même le sénateur Bob Menendez, habituel défenseur d’Israël, a critiqué les frappes de Tsahal.
Bientôt un cessez-le-feu ?
Le Times of Israel s’est logiquement attardé sur l’intervention du premier ministre samedi soir à la télévision. Benjamin Netanyahu a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas “d’opération plus juste ou morale” puisque le pays faisait face à “une attaque totalement non-provoquée”. Plus de 2 300 roquettes ont été tirées sur Israël, mentionne le quotidien. “Vous savez et je sais qu’aucun pays ne tolérerait cela”, a déclaré le dirigeant, prévenant qu’il restait “quelques jours” de combat.
Mais le Jerusalem Post affirme que plusieurs haut-gradés invitent M. Netanyahu et son ministre de la défense Benny Gantz à “travailler sur un cessez-le-feu”, sachant que Tsahal “a atteint quasiment tous ses objectifs” depuis le début de l’opération.
“L’opération pourrait aider M. Netanyahu à atteindre son autre objectif vital de rester au pouvoir”, analyse le Wall Street Journal. Il y a une semaine, ses opposants tentaient d’obtenir la formation d’un nouveau gouvernement. Les derniers jours de tension ont réduit l’effort à néant. “Netanyahu a toujours prospéré dans un environnement d’incertitude, de chaos et de crise”, explique au WSJ Mitchell Barack, spécialiste des sondages et directeur de Keevon Global Research.
Après un samedi de manifestations pro-palestiniennes à travers le monde avec quelques débordements à Londres, rapporte le Sun, à Berlin, comme le raconte Die Welt ou en France, la communauté internationale a rendez-vous à l’ONU ce dimanche.
Le Conseil de sécurité se réunit pour tenter de trouver une position commune sur le conflit alors que “les Etats-Unis se sont retrouvés isolés au moment de défendre leur allié israélien”, note le Guardian.
Les “promesses” de multilatéralisme et de défense des droits de l’homme formulées par l’administration Biden semblent souffrir “d’exceptions substantielles quand il s’agit d’Israël”, poursuit le quotidien. L’Amérique a par exemple été “aux premières loges quand il a fallu faire honte à la Russie ou à la Chine” dans des communiqués communs du Conseil mais n’a pas montré le même enthousiasme dans le cas d’Israël, conclut le Guardian.
Source : Courrier international
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