La présidence française a rendu, mardi 20 avril, un hommage appuyé au président du Tchad, Idriss Déby, mort un peu plus tôt des suites d’une blessure sur le champ de bataille. L’Elysée a salué la mémoire d’un « ami courageux », « qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies ».
La France « perd un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme au Sahel », a souligné, de son côté, la ministre des armées, Florence Parly. En effet, M. Déby était l’allié le plus solide des Occidentaux contre le terrorisme dans cette région tourmentée d’Afrique, où l’ancienne colonie française entourée d’Etats faillis faisait jusqu’ici figure d’îlot de relative stabilité.
Depuis son arrivée au pouvoir par les armes en 1990, avec l’aide de la France, Idriss Déby a toujours pu compter sur le soutien de Paris, qui a installé dans la capitale tchadienne, N’Djamena, le quartier général de sa force antidjihadiste au Sahel : « Barkhane ».
« [Idriss] Déby était cet allié auquel on ne touchait pas. On a beaucoup fermé les yeux sur les exactions qu’il a commises. C’est un choix politique », explique ainsi à l’Agence France-Presse (AFP) Caroline Roussy, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris. « Aujourd’hui, cela peut être compromis par cette nouvelle donne politique. La cohésion nationale, qui était déjà extrêmement fébrile et qui tenait par un régime autoritaire, peut s’effondrer », poursuit-elle.
L’Elysée a ainsi déclaré prendre « acte de l’annonce par les autorités tchadiennes de la mise en place d’un conseil militaire de transition, organe chargé de conduire une transition politique d’une durée limitée ». Mais le gouvernement insiste sur l’importance que cette dernière « se déroule dans des conditions pacifiques, dans un esprit de dialogue avec tous les acteurs politiques et de la société civile, et permette le retour rapide à une gouvernance inclusive s’appuyant sur les institutions civiles ».
Une présence quasi permanente de l’armée française
La France compte actuellement quelque 5 100 militaires au Tchad, selon Mme Parly. L’armée française y est présente de manière quasi permanente depuis l’indépendance, en 1960. Elle a été amenée à intervenir à plusieurs reprises pour stopper des groupes rebelles dans ce pays africain avec lequel Paris est lié par des accords de défense.
En 2008, une colonne armée de l’Union des forces de la résistance (UFR) venue de l’est avait atteint le cœur de N’Djamena et failli renverser le président Déby. Paris avait alors apporté une aide décisive aux forces tchadiennes. Plus récemment, en février 2019, des avions de combat français ont frappé une colonne de pick-up de l’UFR lourdement armée venue de Libye, afin d’« éviter un coup d’Etat », avait justifié, à l’époque, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
De son côté, le président Déby ne ménageait pas ses efforts, ces dernières années, pour faire rempart aux groupes djihadistes sévissant dans les Etats voisins, à l’aide de son armée, réputée être la plus aguerrie de la sous-région.
Deuxième plus gros contingent de la Minusma
Outre son engagement dans la lutte contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram, le Tchad fournit le deuxième plus gros contingent au sein de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) et constitue l’un des piliers de la force conjointe du G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).
Il est aussi le seul pays du G5-Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières nationales, au Niger, dans la région dite des « trois frontières », réputée servir de refuge aux groupes djihadistes sahéliens. Un déploiement accompagné d’exactions : plusieurs semaines après son arrivée dans la zone, des cas de viols sur des populations civiles ont été constatés.
Ces engagements militaires pourraient être remis en question avec la mort du président, alertent les experts. « S’il y a des soubresauts à l’intérieur et que ça devient incontrôlable, le Tchad sera obligé de rappeler ses soldats envoyés à l’étranger », avertit Amadou Bounty Diallo, enseignant à l’université de Niamey et ancien parachutiste de l’armée nigérienne à l’AFP.
Une perspective inquiétante à l’heure où Paris envisage de réduire progressivement son empreinte militaire au Sahel après huit ans de présence ininterrompue au Mali, à la faveur d’une plus grande implication des pays de la région dans leur propre sécurité.
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