Colère – Présidentielle au Bénin : Patrice Talon ultra-favori, mais aussi ultra-contesté

À son arrivée à la tête du Bénin il y a cinq ans, le businessman Patrice Talon promettait de révolutionner la politique. Mais en quelques années, le démocrate s’est mué en autocrate. Et s’il avait à l’époque promis de ne faire qu’un mandat, il est ce 11 avril candidat à sa succession. Il part favori, mais fait face à une colère et des violences sans précédent, note Le Pays.

“Talon, il faut partir”. Tel est le slogan des manifestants de l’opposition qui ont incendié des pneus et bloqué les artères de certaines villes béninoises dans la nuit du 5 au 6 avril 2021 [les manifestations et violences se sont poursuivies jusqu’au scrutin]. Ces manifestations, qui ont été immédiatement dispersées par les forces de l’ordre, ne sont pas étrangères à l’appel des adversaires du président Patrice Talon à descendre dans la rue. Le casus belli entre les acteurs politiques béninois, cette fois-ci, est la date de la fin du mandat du chef de l’État, entré en fonction, l’on s’en souvient, le 6 avril 2016.

Pour l’opposition béninoise donc, il y a vacance de poste, étant donné que la durée du mandat présidentiel est de cinq ans et qu’aucune disposition légale ne prévoit un bonus, fût-il de quelques semaines. Que nenni, répond le camp présidentiel. Il estime que la nouvelle Constitution, adoptée en novembre 2019, a changé les dates transitionnelles du calendrier électoral concernant l’élection présidentielle et l’entrée en fonction du président élu. Les nouvelles dates, aux termes de la nouvelle loi fondamentale, sont le 11 avril pour le vote et la quatrième semaine du mois de mai pour la prestation de serment.

Intransigeance de chaque camp

 

La question que l’on peut se poser est la suivante : cette querelle juridique avait-elle vraiment lieu d’être quand on sait que l’élection présidentielle n’est plus qu’à un jet de pierre ? Pour l’opposition politique béninoise, la réponse est sans ambages : oui. En cette période de fin de campagne, ces manifestations sont du pain bénit pour elle car c’est l’opportunité de jeter encore en pâture le président Patrice Talon. Depuis son accession au pouvoir, il ne lui a jamais rendu la vie facile. Aucune occasion n’est donc de trop pour lui mettre du sable dans le couscous.

 

Et ce d’autant plus que cela peut lui valoir [à Patrice Talon] des voix en moins à la présidentielle du 11 avril prochain. L’on se rappelle que la modification constitutionnelle de 2019 n’a eu pour effet que de rétrécir l’opposition comme peau de chagrin, avec pour conséquence une Assemblée monocolore, acquise à la cause du prince régnant. C’est donc dire si l’image de Patrice Talon peut s’en trouver écornée, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Pire, cette polémique peut lui coller à la peau comme un président amateur pris à son propre piège.

Cela dit, l’on peut se demander si, malgré tous les arguments juridiques dont peuvent disposer les manifestants, leur contestation ne sera pas une tempête dans un verre d’eau. Et pour cause. L’on sait que le président Patrice Talon se considère en territoire conquis après avoir reconfiguré à sa guise la classe politique béninoise. L’on imagine donc difficilement comment il peut faire la moindre concession à son opposition. Pire, l’opposition béninoise a été laminée et réduite à sa plus simple expression. Tous ses leaders sont aujourd’hui en exil et l’on peut douter de ses capacités de mobilisation au point de faire infléchir Patrice Talon, qui, véritablement, s’est revêtu de sa carapace de dictateur.

Patrice Talon, businessman devenu autocrate ?

 

Il faut même craindre que le président Patrice Talon ambitionne de briguer un troisième mandat comme le contexte régional le lui suggère. En effet, l’on sait que ses pairs du Togo, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée Conakry s’y sont essayés avec succès et que la mollesse de la réponse de la communauté internationale les y a encouragés. [En 2016], l’homme avait pourtant promis de quitter le pouvoir après un seul et unique mandat.

 

Cela étant, le président Patrice Talon aurait tort de considérer ces manifestations comme un feu de paille. Car elles sont symptomatiques des difficultés que lui réservent ses compatriotes à l’issue de l’élection présidentielle du 11 avril, que rien ne peut, apparemment, l’empêcher de remporter haut la main.

Le peuple béninois a habitué la communauté internationale à de grandes leçons de démocratie et l’assurance qu’affiche Patrice Talon peut porter en elle-même les germes d’une révolution démocratique. La sagesse africaine ne dit-elle pas que “lorsque l’âne veut terrasser quelqu’un, il ne voit pas ses oreilles ?

Editorial
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Le Pays – Ouagadougou

 

 

 

 

Source : Courrier international

 

 

 

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