Sur « Djourou », la kora de Ballaké Sissoko part à la rencontre d’autres sensibilités

Pour son nouvel album, le musicien malien a, notamment, convié Camille et Arthur Teboul, le chanteur de Feu ! Chatterton.

« Il va y avoir des surprises », nous avait prévenu, à l’été 2020, Ballaké Sissoko, avant de monter sur scène avec le violoncelliste Vincent Segal, au festival Les Suds, à Arles (Bouches-du-Rhône). Djourou, le nouvel album du musicien malien, célébrité de la kora, la harpe-luth des djélis, les griots d’Afrique de l’Ouest, étonne effectivement par la diversité des invités.

Si les relations amicales et musicales étaient déjà connues avec Piers Faccini, Vincent Segal et Salif Keïta, s’ajoutent le rappeur Oxmo Puccino, la joueuse de kora britanno-gambienne Sona Jobarteh, le clarinettiste Patrick Messina, Feu ! Chatterton et Camille. « J’aime amener ma musique vers d’autres univers. Quand je rencontre des musiciens d’ailleurs, je sais que nous avons des langages différents, mais nous trouvons toujours des points de connexion », affirme Ballaké Sissoko.

Dialogues intimistes

Né en 1967 à Bamako, il est tombé sous le charme de la kora en écoutant son père, Djelimady Sissoko, directeur musical de l’Ensemble instrumental du Mali. Orchestre qu’il intègre à la mort de celui-ci, en 1981. Il a 13 ans, son destin est en marche. Ballaké Sissoko reste une dizaine d’années au sein de cette formation légendaire du pays, accompagne les divas locales (Mama Draba, Kandia Kouyaté, Babani Koné…). En 1997, il enregistre avec Toumani Diabaté, autre sommité de la kora, l’album Nouvelles cordes anciennes, dans un duo qui fait écho à celui que leurs pères avaient formé en 1970. Il croise ensuite le chemin de Piers Faccini, en jouant sur Tearing Sky (2006), l’album du chanteur et guitariste britannique, et celui de Vincent Segal, avec qui il enregistre Chamber Music (2009) et Musique de nuit (2015).

Tout s’est déroulé avec souplesse et fluidité, dans un souci constant de laisser l’improvisation fertiliser l’inspiration de chacun

Hormis deux titres, dans lesquels Ballaké Sissoko reste en tête-à-tête avec son instrument, Djourou enchaîne des dialogues intimistes avec des interlocuteurs choisis par lui-même ou suggérés par Laurent Bizot, patron de Nø Førmat !, et Corinne Serres, manageuse du musicien et productrice de ses concerts depuis vingt ans. C’est elle qui lui a soufflé à l’oreille l’idée de cet album de rencontres. Tout s’est déroulé avec souplesse et fluidité, dans un souci constant de laisser l’improvisation fertiliser l’inspiration de chacun, explique Ballaké Sissoko. « Notamment avec Oxmo [Puccino], le premier avec qui nous avons commencé à travailler, et puis Arthur [Teboul, chanteur du groupe Feu ! Chatterton] et Camille, que je ne connaissais ni l’un ni l’autre. Je ne voulais pas imposer une mélodie. Eux écrivaient sur place, ils ne sont pas arrivés avec leurs textes déjà prêts. »

« La kora amène sur une autre rive »

 

Arthur Teboul, à qui Ballaké Sissoko a inspiré un texte en forme de conte poétique, dit être tout de même venu avec « plusieurs bouts de textes en poche » le jour de leur première rencontre. Dont ces vers : « Lune, miroir du soleil/Jette sur la nuit franche/Ta lumière argentine/Allongé sur la branche/De l’arbre qui sommeille/J’attends que ton œil cligne. » « Quand Ballaké jouait, j’entendais comme un cours d’eau traversant une forêt, raconte Arthur Teboul. Alors j’ai pensé à ce sixain que j’avais dans mon carnet. Je griffonnais, je le transformais. Au fil de la kora, l’histoire s’est étoffée, et ça a donné Un vêtement pour la Lune. »

La chanteuse Camille a imaginé, elle, une ode à la kora : « Cet instrument me fait l’effet d’une eau ruisselante et tiède avec des reflets de lumière dedans. La kora éveille, apaise, réconforte, enveloppe, amène sur une autre rive. Mais c’est peut-être bien la manière dont Ballaké en joue qui provoque ces sensations. » A l’instar d’Arthur Teboul, le talent, la force tranquille et la sérénité émanant de Ballaké Sissoko l’ont impressionnée :

« Les musiciens ne sont pas tous forcément à l’aise avec le fait de commencer à travailler ensemble en improvisant. Lui, j’ai tout de suite senti que c’était quelque chose qui tombait sous le sens. »

Camille espère retrouver Ballaké Sissoko sur la scène des Arènes de Montmartre, à Paris, où la radio FIP a prévu de fêter ses 50 ans, à l’occasion de la Fête de la musique, en offrant une carte blanche au maître de la kora.

Djourou, Nø Førmat ! (PIAS- Idol).

 

 

 

 

Patrick Labesse

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

 

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