L’Ambassadeur britannique : Nous aidons le gouvernement mauritanien à tirer le maximum de revenus des hydrocarbures (Interview)

ALAKHBAR (Nouakchott) – Londres a établi des relations diplomatiques avec Nouakchott Simon Boyden pour aider le gouvernement mauritanien à tirer le maximum de revenus des hydrocarbures et pour identifier les domaines dans lesquels le Royaume uni compte accompagner la Mauritanie, a indiqué son ambassadeur dans cette interview à Alakhbar.

Simon Boyden, qui est en fin de mission, indique avoir été beaucoup frappé par l’ouverture d’esprit et l’hospitalité des Mauritaniens un pays qui reste à découvrir.

Le diplomate évoque aussi la situation au Sahel indiquant qu’il faut une double réponse aux menaces sécuritaires et aux défis économiques pour espérer retrouver la stabilité au Sahel. (Interview).

ALAKHBAR : Monsieur l’Ambassadeur, quels sont les domaines qui intéressent le Royaume uni dans ses relations bilatérales avec la Mauritanie ?

 

Simon Boyden :  Il faut reconnaître que le Royaume uni n’avait pas de représentation diplomatique directe en Mauritanie, pays avec lequel nous n’avons pas aussi des liens historiques, comme c’est le cas pour la Francophonie en Afrique de l’Ouest.

 

Mais depuis quelques années, nous sommes engagés directement dans la région du Sahel pour des raisons diverses. Et nous avons ouvert une ambassade à Nouakchott et nommé un Ambassadeur-Résident.

 

Le Royaume uni est intéressé par la diplomatie, le développement et par les questions sécuritaires. Mais le plus important est de développer un réseau de contacts qui nous permet de comprendre les défis socio-économiques de la Mauritanie et d’identifier les domaines dans lesquels nous pouvons accompagner ce pays. De ce fait, nous travaillons avec le Gouvernement, la Société civile et avec ceux qui évoluent dans le milieu des affaires et dans le domaine éducatif.

 

ALAKHBAR : En dehors du pétrole et du gaz, quels sont les autres domaines qui attirent l’investisseur britannique en Mauritanie ?

 

Simon Boyden :  L’investissement étranger peut drainer des capitaux pour le financement de mégaprojets. Mais si nous devions seulement compter sur les investisseurs étrangers, le risque serait d’attendre trop longtemps pour développer la Mauritanie, créer des emplois et pour profiter des ressources et des compétences locales. Il revient d’abord aux investisseurs mauritaniens de développer leur pays. Et il ne faut surtout pas se limiter à l’investissement. On doit aussi répondre aux besoins d’emploi et aux défis socio-économiques.

 

ALAKHBAR : Si un Britannique exprime son intérêt d’investir en Mauritanie, vers quels secteurs vous l’orienterez ?

 

Simon Boyden :  En janvier 2020, nous avions le privilège de recevoir son Excellence le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani à Londres pour un sommet sur l’investissement en Afrique. A l’époque, nous avions souligné les opportunités d’investissement qui existaient en Mauritanie notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, de l’agri-tec, de l’éducation et de la formation professionnelle.

 

ALAKHBAR :  Pourquoi le Royaume uni a attendu la découverte du gaz naturel et la présence de British Petroleum (BP) qui est une compagnie britannique pour établir des relations diplomatiques avec la Mauritanie ? Une simple coïncidence ?

 

 

Simon Boyden :  Je ne vais pas parler de coïncidence. Le Royaume uni a décidé ces dernières années d’établir des relations diplomatiques pas seulement avec la Mauritanie mais aussi avec d’autres pays de la sous-région comme le Niger et le Tchad où on ne peut pas parler des mêmes opportunités qu’en Mauritanie en matière des hydrocarbures.

 

Bien sûr, nous sommes là pour accompagner BP et d’autres entreprises. Mais, nous sommes surtout là pour aider le gouvernement mauritanien à tirer le maximum de revenus des hydrocarbures afin de relever les défis socio-économiques et de créer de l’emploi dans le secteur privé. Nous ne nous focalisons pas seulement sur le gaz.

 

Par ailleurs, je vous invite à poser directement vos questions sur le projet Grand Tortue-Ahmeyim (GTA) au représentant de BP en Mauritanie. C’est vrai que c’est une entreprise soi-disant britannique cotée en Bourse à Londres avec beaucoup d’emplois directs au Royaume uni, mais en réalité BP est une entreprise internationale présente partout dans le monde.

 

Mais je peux vous partager cette information : la semaine dernière, j’ai assisté au Ministère du Pétrole, des Mines et de l’Energie à la cérémonie d’ouverture d’un centre de formation sponsorisé par BP et Kosmos Energy pour encadrer les fonctionnaires de l’administration mauritanienne dans le secteur des hydrocarbures. En même temps, le représentant de BP et le ministre du Pétrole, des Mines et de l’Energie Monsieur Abdessalem Ould Mohamed Saleh signaient un mémorandum pour d’autres projets dont les détails seront – je suis sûr- fournis par BP. Ce sont des projets en tout cas relatifs aux énergies renouvelables et à l’utilisation du gaz pour produire de l’électricité.

 

ALAKHBAR : Craignez-vous que la COVID-19 continue à entraver l’exploitation du gaz en Mauritanie ?

 

Simon Boyden :  On ne peut pas nier l’effet de la COVID-19 sur la santé et plus largement sur d’autres secteurs dont celui de l’économie informelle en Mauritanie. La pandémie a provoqué le ralentissement des activités off shore de BP et d’autres entreprises. Néanmoins, le travail continue. Je vous donne l’exemple de la construction qui se poursuit du barrage off shore avec des blocs de roches importés d’Akjoujt (Nord). Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je sais que le projet continue et je crois que la production du gaz pourra démarrer en 2023.

 

 

ALAKHBAR : Vous êtes le seul ambassadeur qui a rencontré plus d’une dizaine de ministres mauritaniens en un mois. Qu’est ce qui vous a motivé ? Quel a été le résultat des rencontres ?

 

Simon Boyden :  C’est n’est pas un secret d’Etat (Rire). J’arrive malheureusement et tristement au terme de ma mission en Mauritanie. J’imagine que d’autres ambassadeurs feraient la même chose en rencontrant les représentants du Gouvernement pour discuter des projets réalisés et des opportunités futures.

 

J’ai rencontré 18 ministres au mois de mars et je compte rencontrer un à deux autres ainsi que Son Excellence, le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

 

Au cours des rencontres, nous avons axé les discussions sur les domaines dans lesquels le Royaume uni espère accompagner la Mauritanie dont l’Education, le développement de la communication stratégique et les changements climatiques. Vous le savez, notre pays accueille cette année la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP-26).

 

ALAKHBAR : Des sources médiatiques évoquent des fonds publics mauritaniens qui seraient dissimulés au Royaume uni par l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz. Est-ce que les autorités mauritaniennes vous ont sollicité pour les récupérer ?

 

Simon Boyden :  Non. Nous n’avons pas été sollicité par le gouvernement mauritanien. Mais si le Gouvernement veut notre assistance, je transmettrai la requête à Londres où il y a d’ailleurs l’ambassadeur de la République Islamique de Mauritanie.

 

ALAKHBAR :  Confirmez-vous le transfert desdits fonds publics mauritaniens vers votre pays ?

 

Simon Boyden :  Je n’ai aucune information sur cette question. Comme tout le monde, je suis les rumeurs qui circulent. Pas plus.

 

ALAKHBAR :  Comment vous évaluez la menace sécuritaire et la précarité économique au Sahel ?

 

Simon Boyden :  On ne peut pas séparer sécurité et développement au Sahel. Mais parlant d’abord de la situation sécuritaire, il est clair que des pays de la sous-région font face à des menaces graves. Heureusement, la Mauritanie a réussi depuis une décennie à éviter les effets les plus graves des activités des extrémistes djihadistes qui opèrent dans la région. Pour ce qui est de la précarité économique, nous avons constaté plusieurs origines : il y a l’absence de sécurité et l’absence de l’Etat dans certaines régions qui ouvrent la voie aux extrémistes. Pour rétablir donc la stabilité au Sahel, il fait répondre à la fois aux menaces sécuritaires et aux défis économiques. Et je crois que c’est la même réponse des pays membres du G5 Sahel.

 

ALAKHBAR : Est-ce que Londres soutient l’inscription de la Force conjointe du G5 dans le Chapitre VII des Nations unies pour bénéficier d’un financement continu ?

 

Simon Boyden :  Non. Le Royaume unis ne considère pas que cela va garantir au G5 Sahel le soutien qu’il réclame.

Mais cela ne veut pas dire – non plus – que nous ne soutenons pas, en tout cas d’une autre manière, le G5 et les forces internationales présentes au Sahel. 300 militaires britanniques ont été récemment déployés en appui aux forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

 

Plus spécifiquement, nous avons lancé en Mauritanie – depuis six mois – en collaboration avec le Secrétariat du G5 Sahel et la Force conjointe un projet visant à développer une approche de communication stratégique coordonnée. Le Royaume uni apporte aussi son soutien aux forces qui opèrent dans la région – y compris la force conjointe – en leur offrant des formations sur les Droits de l’homme et sur l’importance du respect du Droit humanitaire international.

 

Nous procédons aussi à l’analyse de la perception des populations locales affectées par le conflit afin de mieux répondre à leurs besoins.

 

Et dans l’avenir, il est possible de partager toute cette approche avec les parties prenantes comme l’Alliance Sahel, le G5 Sahel et les Nations unies pour les rassurer sur la contribution multilatérale et bilatérale du Royaume unis dans la recherche de la paix et de la stabilité au Sahel.

 

ALAKHBAR :  À votre avis, peut-on combattre l’extrémisme au Sahel par la seule option militaire ?

 

Simon Boyden :  Comme je l’ai déjà dit. Je ne crois pas que l’approche du G5 et ses partenaires soit seulement militaire. Bien sûr, nous avons besoin de garantir la sécurité avant de lancer des projets de développement. Mais, il faut toujours aligner sécurité et développement et permettre le retour de l’Etat dans certaines régions et aux gouvernements locaux de fournir les services de base pour éviter que les populations tentent d’autres alternatives comme – par exemple – se livrer à l’extrémisme.

Avant la Mauritanie, j’ai été affecté à Kabul en Afghanistan. Si la situation là-bas continue à poser des problèmes, nous avons quand même réussi à mettre en place cette approche sécurité et développement. Au Sahel, il faudra suivre la même approche.

 

ALAKHBAR :  Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes en fin de mission en Mauritanie. Quels sont les souvenirs qui vous marqueront le plus dans ce pays ?

 

Simon Boyden :  Je ne connaissais pas bien la Mauritanie avant mon arrivée. C’est un pays à découvrir encore. J’ai été beaucoup frappé par l’ouverture d’esprit et l’hospitalité des Mauritaniens.

 

Mais pour être très honnête, je constate qu’après 60 ans d’indépendance et malgré l’accompagnent des agences de développement, la Mauritanie n’est toujours pas arrivée au niveau qu’on espérait.  Pourquoi pas ? Il faut peut-être valoriser cette culture profonde, cette richesse humaine et cette belle diversité culturelle des communautés du pays si l’on veut profiter des opportunités économiques, culturelles et sociales et même s’adapter – si je peux me le permettre – au 21e siècle.

 

Ce n’est pas la peine de chercher une identité unique mais de reconnaître les différentes identités qui sont toutes mauritaniennes. Cela va aider le pays à profiter de son potentiel humain et à garantir qui tous les citoyens contribuent à bâtir l’avenir d’un pays qui reste paisible à côté de ses voisins mais qui ne répond peut-être pas aux attentes de toute sa population.

 

 

 

 

Source : Alakhbar.info (Le 30 mars 2021)

 

 

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