Impunité – Mali : au nom de la réconciliation, le putschiste échappe à la justice

Alors que son procès avait débuté, le capitaine Amadou Haya Sanogo ne sera finalement pas jugé pour l’assassinat de 21 militaires, après son coup d’État en 2012. Les juges ont annoncé qu’ils abandonnaient toutes leurs poursuites en vertu de la “réconciliation nationale”. Indignation et colère sont partagées par les familles des victimes et cet éditorialiste burkinabé.

On ne connaîtra donc jamais les circonstances exactes de l’assassinat en mai 2012 des 21 bérets rouges, dont les corps ont été retrouvés un an et demi plus tard dans une fosse commune près de Bamako. Deux mois avant, le capitaine Amadou Haya Sanogo était sorti de sa ville de garnison de Kati pour renverser le président Amadou Toumani Touré [qui a dirigé le Mali de 2002 jusqu’au coup d’État du 22 mars 2012] qu’il accusait de mollesse face à l’insurrection djihadiste au Nord.

C’est dans la guerre des bérets qui s’est ensuivie – les verts de Kati [soldats liés au capitaine Sanogo] contre les rouges fidèles à ATT [Amadou Toumani Touré] – que la vingtaine de commandos parachutistes qui ont tenté un contre-coup d’État ont été exécutés par leurs frères d’armes. [Un mois après le putsch de Sanogo et ses hommes, en mars 2012, les bérets rouges avaient tenté de les renverser, en vain. Vingt et un d’entre eux avaient été enlevés et leurs corps avaient été retrouvés un an et demi plus tard. C’est pour ces assassinats présumés que Sanogo et ses hommes étaient devant les juges dans un procès ouvert depuis 2016.]

Pertes et profits

 

Neuf ans après les faits, la cour d’assises de Bamako a ordonné lundi 15 mars l’extinction de la procédure engagée contre le capitaine Sanogo, bombardé entre-temps général. Ce chef des putschistes était poursuivi avec 17 autres personnes pour enlèvement, assassinat, complicité d’enlèvement et d’assassinat.

 

 

C’est donc un enterrement de première classe de ce dossier qui vient d’être fait en vertu de la loi d’entente nationale votée en 2019 et sur la base de laquelle les ayants droit des victimes ont été indemnisés. En plus d’une villa de type F5, les familles des soldats reçoivent chacune 15 millions de francs CFA [environ 23 000 euros], celles des caporaux 20 millions [environ 30 000 euros], celles des sergent-chefs 30 millions [environ 45 000 euros], celles des adjudants 35 millions [environ 52 000 euros] et les familles des lieutenants 40 millions [environ 60 000 euros].

On passe ainsi en pertes et profits les nombreux cadavres qui ont jonché le bref règne du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) du capitaine Sanogo.

 

L’indignation

 

La vérité et la justice sont ainsi sacrifiées sur l’autel de la réconciliation nationale, une sorte de prime à l’impunité au détriment des familles des victimes qui ont explosé de colère une fois la décision rendue.

 

 

En vérité, la proximité de Sanogo avec les maîtres actuels de Bamako a pu jouer dans l’évolution de sa situation judiciaire. Certains des putschistes qui ont débarqué le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, et qui jouent aujourd’hui les premiers rôles dans la transition malienne, à l’image du colonel Malick Diaw, actuel président du Conseil national de transition (CNT), n’avaient-ils pas déjà fait le coup de feu en 2012 avec celui qui est désormais sorti libre ce lundi de la cour d’appel de Bamako ?

Hugues Richard Sama
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L’Observateur Paalga – Ouagadougou

 

 

 

Source : Courrier international

 

 

 

 

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