
Sport national, le cricket est considéré en Inde comme l’un des rares derniers bastions laïques du pays, encore épargné par les fortes dissensions religieuses qui clivent ce dernier.
Mais ces dernières semaines, la quiétude sportive a été mise à l’épreuve. Alors que les musulmans font l’objet de violences de plus en plus fortes, alimentées par la politique nationaliste hindoue du parti de Narendra Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP), un scandale a éclaté contre l’un des plus grands joueurs de cricket indiens sur fond de querelle religieuse.
Les musulmans sous le coup du soupçon
Wasim Jaffer, de confession musulmane, a été accusé de sélectionner des joueurs en fonction de leur religion. Coach de l’équipe de cricket représentant l’État d’Uttarakhand depuis juin 2020, il a démissionné au début du mois de février en dénonçant «l’ingérence et la partialité» des administrateurs locaux de l’État vis-à-vis de la sélection de certains joueurs dont il avait la charge, et qui auraient rendu sa tâche intenable. Les responsables incriminés ont alors riposté en l’accusant à leur tour de faire du prosélytisme musulman, et d’avoir interdit à son équipe de chanter un slogan mentionnant un dieu hindou.
«Je leur ai dit: nous ne jouons pas en tant que communauté, nous jouons pour l’Uttarakhand, donc notre slogan devrait être pour l’Uttarakhand», s’est défendu Jaffer, ajoutant: «S’il y avait effectivement un parti pris communautaire, je n’aurais pas démissionné, ils m’auraient licencié.»
Du terrain à la politique
L’ampleur prise par l’incident a poussé le ministre en chef de l’Uttarakhand à ordonner une enquête. Du côté des commentateurs et des fans de cricket, on s’inquiète de ce que cela ne vienne remettre en cause l’entente entre musulmans et hindous sur le terrain, qui jouaient côte à côte dans l’équipe nationale depuis 1911.
«C’est un incident triste et choquant, car le cricket est resté dans l’ensemble à l’abri des tensions communautaires en Inde, a déclaré la célèbre commentatrice sportive Sharda Ugra. Nous avons vu ce genre de toxicité communautaire se manifester dans la politique et les places publiques en Inde, mais maintenant elle s’est infiltrée dans le cricket. Jaffer est notre batteur le plus performant, mais à cause de cela, son nom a été traîné dans la boue et sa religion musulmane lui a été jetée au visage pour régler un compte.»
Le chef du parti d’opposition du Congrès, Rahul Gandhi, a quant à lui dénoncé la «normalisation de la haine» qui s’est développée dans le pays ces dernières années, jusqu’à «entacher notre sport bien aimé qu’est le cricket».
Repéré par Léa Polverini
Repéré sur The Guardian
Source : Slate (Le 21 février 2021)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com