Idées – Les élites sont-elles trop nombreuses ?

De l’assaut du Capitole au Brexit, l’instabilité du monde s’expliquerait par la surproduction mondiale d’élites et leur mise en concurrence. Si elle est largement contestée dans le monde universitaire, la thèse du scientifique russo-américain Peter Turchin n’en reste pas moins fascinante, souligne El País.

Depuis plus de trente ans, les sociétés occidentales produiraient plus d’élites qu’elles ne seraient capables d’en “digérer”. C’est la nouvelle thèse à la mode, popularisée par le scientifique russo-américain Peter Turchin et dont s’empare El País dans un article qui s’interroge sur l’existence d’un “embouteillage au sommet”, responsable de toute la misère du monde.

La théorie, dont les fondements sont contestés par de nombreux chercheurs, tend à prouver que l’augmentation du nombre de diplômés des grandes écoles a créé un volume “excédentaire” de personnes en capacité de gouverner. Les postes de pouvoir étant limités, ce phénomène a conduit à frustrer une grande partie des élites qui ne se résolvent pas à “se contenter des miettes”.

 

Une impasse qui conduirait à des “flambées de violences politiques”, que Peter Turchin compare à celles qui ont provoqué la crise de la France féodale au XIVe siècle, la chute de l’Empire romain ou encore l’effondrement de la dynastie Jin en Chine.

 

Une interprétation simpliste d’un phénomène complexe

 

Pour Leticia Ruiz Rodríguez, vice-doyenne en sciences politiques à l’université Complutense de Madrid, l’idée que l’accès du plus grand nombre au “monde de l’art, de la culture, de la politique ou de la communication” pourrait être perçu comme “un phénomène négatif” est irrecevable :

Améliorer la formation et les capacités des citoyens est l’un des moyens les plus efficaces pour la société de grandir, de se renforcer et de participer à son développement économique et social.

L’explication d’une guerre entre les élites “peut sembler une interprétation simpliste d’un phénomène très complexe”, a expliqué à El País le journaliste américain John Maudin. Mais il rejoint la thèse de Peter Turchin sur un point :

L’alliance antisystème entre les victimes des inégalités croissantes et les élites mécontentes explique certains phénomènes actuels, comme l’émergence de populismes de plus en plus agressifs.”

Spécialisé dans les questions de démographie et de conflits sociaux, le politologue canadien Eric Kaufman regrette quant à lui un raccourci “partial et opportuniste”. Selon lui, l’instabilité politique serait d’abord produite par les “suspects éternels” : l’inégalité sociale et les conflits culturels ou idéologiques non résolus.

 

 

Bien qu’elle soit réfutée par de nombreux chercheurs, la thèse d’une dégénérescence des élites insatisfaites, qui s’incarnerait notamment dans la figure de Donald Trump, est “aussi originale que fascinante”, conclut le quotidien espagnol. Elle a au moins le mérite de nous amener à nous interroger sur la période de grande instabilité politique que nous traversons.

El País – Madrid

Source : Courrier international

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