Harcèlement sexuel – Au Koweït, les femmes lancent leur #MeToo

“Je ne me tairai pas”. C’est le nom du mouvement #MeToo dans sa version koweïtienne. Lancé grâce à un ex-mannequin, il bouscule ce pays du Golfe

“Pour la première fois, les femmes, au Koweït, défient les traditions conservatrices et la culture de la ‘honte’ pour dénoncer le harcèlement dans une campagne lancée sur les réseaux sociaux après la publication, par une célèbre blogueuse, d’une vidéo traitant de ce sujet”, constate le site libanais Al-Modon.

Tout est parti d’une vidéo postée la semaine dernière par la blogueuse mode Ascia Al-Faraj, qui compte aujourd’hui 2,6 millions d’abonnés sur Instagram.

“Chaque fois que je sors, il y a quelqu’un qui me harcèle ou qui harcèle une autre femme dans la rue. […] N’avez-vous pas honte ? Nous avons un problème de harcèlement dans ce pays, et j’en ai marre !”

“Je ne me tairai pas”

 

Cette vidéo “a déclenché un mouvement d’ampleur national”, explique Al-Jazeera, notamment sur les réseaux sociaux. La campagne n’adopte pas le hashtag #MeToo, mais le mot-clé #Lan_Asket“Je ne me tairai pas”, en français. Un véritable “cri de ralliement”, décrit Middle East Eye (MEE).

Le compte Instagram lan.asket, lancé la semaine dernière, recueille de nombreux témoignages de harcèlement en anglais et en arabe.

“Dans l’un d’eux, une fille de 14 ans raconte avoir subi un accident de voiture après avoir été poursuivie par un groupe de garçons dans un autre véhicule. Depuis, elle ne sort plus de chez elle seule”, indique le site panarabe.

Dans d’autres témoignages, des femmes racontent qu’elles ont été suivies, touchées sans leur consentement ou qu’elles ont été la cible de remarques obscènes.”

“Le silence n’est plus une option. Nous devons nous exprimer, nous unir et nous défendre les unes les autres, parce que ce qui se passe est inacceptable”, souligne Shayma Shamo, médecin de 27 ans qui a lancé la plateforme après avoir vu la vidéo d’Ascia Al-Faraj, citée par l’AFP.

 

Travailleuses étrangères

 

Cette campagne sur les réseaux sociaux a également permis de mettre en lumière “les abus et le harcèlement dont sont victimes les migrantes travaillant et vivant au Koweït”, note Middle East Eye.

Comme de nombreux pays du Golfe, le Koweït accueille des immigrées d’origine indienne, pakistanaise et philippine qui exercent des métiers subalternes, comme employée de maison ou femme de ménage.

Selon un rapport de Human Rights Watch, cité par MEE, “ces femmes sont particulièrement vulnérables aux abus en raison du manque de protection induit par le système d’exploitation moyen-oriental de la kafala.

La kafala est un système controversé faisant de l’employeur le tuteur de l’employé. Ce parrainage est accusé de perpétuer une forme d’esclavage envers les travailleurs immigrés.

 

Honte

 

“Le Koweït n’a pas de loi contre les violences domestiques ou le viol conjugal”, rappelle Middle East Eye, et “les femmes n’ont obtenu le droit de voter et de se présenter aux élections il y a quinze ans seulement”.

Pour Al-Jazeera :

Les Koweïtiennes repoussent les frontières de leur société, considérée comme l’une des plus ouvertes du Golfe, où une loi contre le harcèlement existe mais où les discussions sur les violences sexistes restent taboues.”

Comme l’ensemble des sociétés arabes, la société koweïtienne est conservatrice. Au Moyen-Orient, “le mot arabe ‘eib’ – ‘honte’, en français – est un terme avec lequel les jeunes filles grandissent”. “Aller au poste de police est eib et parler de harcèlement est eib”, explique Shayma Shamo.

Révélatrice de cette situation, “la campagne a créé la polémique aux yeux de ceux qui considèrent que parler de ces sujets est honteux”, explique Middle East Eye.

“Si vous n’avez rien de bon à dire, ou rien de substantiel à ajouter pour alimenter cette discussion, alors ne dites rien, a déclaré Ascia dans une vidéo postée sur Instagram en réponse à ces voix. Nous œuvrons pour aboutir à quelque chose qui sera au bénéfice de tous.”

Source : Courrier international

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