Mauritanie – L’opposition des audiences

Le président Mohamed Ould Cheikh El  Ghazouani vient de recevoir en l’espace de vingt-quatre heures deux figures de l’organisation démocratique.

Il s’agit notamment du président du Rassemblement des forces démocratiques, Ahmed Ould Daddah qui est incontestablement l’opposant le plus emblématique et le plus constant dans ses positions de 1992 à maintenant, nonobstant quelques attitudes conjoncturelles et contextuelles sur lesquelles les points de vue divergent.

L’autre personnalité reçue par Ould Ghazouani est Mohamed Jemil Mansour,  un leader du parti islamiste Tawassoul et son ancien président qui a tenu à sa sortie d’audience à préciser que le président de la République  l’a rencontré à titre personnel.Certainement que les audiences avec les responsables de l’opposition vont se poursuivre dans les jours à venir.

Voilà seize mois presque jour pour jour que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a été investi. Depuis lors,  l’opposition mauritanienne, toutes tendances confondues, a fait profil bas, se contentant pour la plus « active » de sortir on ne sait plus à quelle occasion un laconique communiqué puis ensuite d’hiberner et de regarder faire et défaire un gouvernement et son président auxquels elle semble avoir accordé une période de grâce qui commence à susciter beaucoup d’interrogations.

Pourtant,  les sujets qui devraient mettre la puce à l’oreille d’une opposition « opérationnelle  » ne manquent pas. Où est passé le fameux dossier de la corruption ? Qu’attendent les autorités pour le transférer à la justice et au besoin procéder à la composition de la Haute Cour de Justice qui aurait le rôle de juger l’ancien président et ses hauts collaborateurs au cas où les preuves les accablant de haute trahison sont rassemblées ? Quelle est cette histoire de recyclage de personnalités aux mains entachées par la dilapidation des deniers publics et dont certains sont nommément cités dans le fameux rapport de la commission d’enquête parlementaire ? Quelles ont été les modalités de dépenses de l’argent du fonds de lutte contre la propagation du coronavirus dont le ministre vient de déclarer devant les députés que 25 milliards ont été liquidés ? Où est l’audit que l’opposition réclamait ? Quelles réalisations concrètes les agences de solidarité nationale dotées de centaines de milliards ont faites ? Et où sommes-nous par rapport aux programmes de relance économique et autres annoncés par le président de la république et son premier ministre ? Ne faudrait t-il pas réclamer plus de transparence au ministère de la santé sur cette histoire d’oxygène autour duquel toutes sortes de supputations circulent ?

L’opposition ou les oppositions ne doivent elles pas réclamer pendant qu’il est encore temps à la commission électorale nationale indépendante de procéder aux réglages nécessaires ( révision du fichier électoral,  listes,  découpage et autres) afin de garantir des conditions normales pour les futures élections ?

Il va sans dire que l’opposition est une institution très importante dans toute démocratie. Elle est un véritable instrument de régulation du pouvoir qu’elle suit dans ses moindres agissements afin que ceux-ci profitent directement aux citoyens qui sont l’objectif et la finalité de toutes les politiques aussi bien des gouvernants que des opposants. L’utilité de l’opposition et son efficacité sont tributaires de sa capacité de jouer convenablement le rôle traditionnel que lui confère son statut de garde-fou des pouvoirs dont l’avenance,  la politesse ou la disponibilité d’accorder d’un moment à l’autre quelques audiences sans lendemain ne doivent pas servir d’alibi pour faire motus  et bouche cousue.

 

 

 

El Kory Sneiba

 

 

 

 

 

Source : Le Calame (Le 26 décembre 2020)

 

 

 

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