Le musulman peut-il fêter Noël ?

Chaque année c’est la même rengaine à l’approche des fêtes de fin d’année comme Noël et le Nouvel an. Les uns affirment qu’il est ḥarâm (interdit) d’y participer car ce sont des fêtes de « kuffâr » (mécréants) et de païens, et d’autres affirment qu’il y a consensus des savants sur l’interdiction d’y participer. Aussi, bien qu’il ne soit pas question dans cet article de rendre obligatoire la participation à telle ou telle fête ni même de légitimer la participation aux rituels religieux qui peuvent être présents avec certains évènements, il est toutefois question de discuter du statut d’interdiction qui leur colle à la peau ainsi que les prétendues preuves le justifiant.

Affirmons alors de suite les éléments suivants : rien dans les principales sources islamiques n’interdit à un musulman de participer ou de célébrer des fêtes d’origine non-musulmane, notamment si celles-ci sont liées à sa culture et à son peuple, tant qu’il s’éloigne de ce qui est proscrit par ces mêmes sources, surtout au niveau cultuel (‘ibâda) et dogmatique (‘aqîda). Cela est appuyé par le principe théologique de base qui veut que tout soit permis jusqu’à ce que l’on démontre que telle ou telle chose est interdite. En effet, la règle classique et admise est la suivante : al-aṣl fî-l ‘âdât al-ibâḥa (le fondement dans le domaine des actes temporels est la permission, sauf ce que Dieu a interdit) et al-aṣl fî-l ‘ibâdât at-tawqîf (le fondement dans le domaine des actes cultuels est ce qui est arrêté, institué par les textes). Voir par exemple al-I’tisâm (2/135) de l’imâm ash-Shâṭibî.

En outre, sans m’attarder sur les nombreuses divergences principologiques existantes, je rappelle à ceux qui prétendent qu’il y aurait consensus (ijmâ’) sur l‘interdiction de fêter noël pour un musulman que cela est non seulement faux, mais que c’est en plus totalement indémontrable et ce, car il est tout simplement impossible à quiconque de présenter l’ensemble des avis existant sur le sujet de la part de tous les ulémas ayant existé depuis près de 1400 ans.

Toutefois, pour mieux comprendre cette thématique, plusieurs points doivent être abordés. Mais avant d’entrer dans leur développement, il faut commencer par préciser ce que représente Noël de nos jours :

Ici, certains affirment qu’il s’agit d’une fête chrétienne et qu’en conséquence un musulman n’a pas à y participer. Ces gens aiment, pour appuyer leur opinion, évoquer l’évolution historique de cette fête aux origines païennes. En effet, d’après les historiens, la fête de Noël est célébrée le 25 décembre, date à laquelle les Romains polythéistes célébraient le solstice d’hiver et la naissance du Soleil, ce qui est considéré comme une première forme de monothéisme largement étendue sur les terres de l’Empire romain. Cette fête est précédée, depuis le pontificat de Grégoire le Grand (590-604), par le temps de l’Avent : du latin adventus signifiant la venue ou l’arrivée. C’est un temps de prière et de recueillement qui débute le quatrième dimanche avant la fête de Noël. Comme les chrétiens se préparent à la célébration de la Passion et de la résurrection du Christ, ils se préparent pendant environ un mois à la célébration de sa naissance fixée, plusieurs siècles après la mort de Jésus et de façon totalement imprécise, le 25 décembre.

Or, quand l’évolution historique d’une fête ne les arrange plus, ils la rejettent et n’en tiennent plus compte. Effectivement, comment ne pas se rendre compte qu’aujourd’hui, en Occident notamment et en France en particulier, Noël est devenu une fête populaire (et par conséquent commercial) et familiale et qu’elle n’est plus célébrée pour ses origines païennes ou plus forcément pour son caractère chrétien. Certes, certains chrétiens font place à une dimension cultuelle en ce jour, et même plusieurs jours auparavant avec ce qu’on appelle l’Avent, mais combien d’athées, d’agnostiques ou de personnes ayant d’autres opinions spirituelles la célèbrent simplement parce que pour eux elle n’évoque qu’une fête traditionnelle, un moment convivial dans lequel la famille est réunie et qui est l’occasion de s’offrir quelques cadeaux en passant un bon moment avec ses proches ? Fêter Noël pour un Français n’est en rien comparable avec le fait de fêter l’Épiphanie, l’Annonciation, l’Ascension, l’Assomption ou encore la Pentecôte qui sont toutes ses fêtes purement chrétiennes. Évidemment, un musulman n’aurait pas à célébrer de telles fêtes qui n’ont rien à voir avec le culte islamique et qui ne sont, pour la majorité des Français, que des jours fériés pour certaines d’entre elles.

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Source : Oumma (Le 20 décembre 2020)

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