Une journaliste libanaise porte plainte contre MBS et MBZ

Un procès inédit va opposer aux Etats-Unis deux puissants leaders du Golfe à une star de la télévision arabe. Les princes héritiers d’Arabie Saoudite, Mohamed ben Salmane (MBS), et des Emirats arabes Unis, Mohamed ben Zayed (MBZ), sont poursuivis depuis mercredi pour piratage et cyberharcèlement devant un tribunal de Floride. La plaignante est une journaliste vedette de la chaîne qatarie Al-Jazeera qui accuse les deux dirigeants et une vingtaine de leurs complices d’être à l’initiative d’une campagne d’attaques qui l’a visée sur les réseaux sociaux.

 

Sur fond d’affaire Khashoggi

 

La présentatrice libanaise de 43 ans, Ghada Oueiss, avait relaté les faits elle-même dans une tribune publiée en juillet par le Washington Post. «Je suis une femme journaliste qu’on ne fera pas taire par des attaques en ligne», proclamait-elle en titre de son article. Elle racontait son choc quand un ami l’avait alertée sur des photos d’elle en maillot de bain, publiées sur Twitter, provenant de son téléphone privé. Quelques heures après, d’autres photomontages la montraient nue dans une baignoire. Les images ont été retweetées 40 000 fois, souvent accompagnées de commentaires sexistes et insultants.

Tous les comptes qui les ont diffusées arboraient le drapeau saoudien et nombre d’entre eux défendaient MBS, souligne la journaliste. Sans cacher l’objectif politique de son action, elle considère avoir été visée en raison de sa couverture de l’affaire Khashoggi et de ses dénonciations régulières et ciblées des agissements de MBS et MBZ. Il est vrai qu’Al-Jazeera avait consacré à l’assassinat particulièrement atroce du journaliste saoudien à Istanbul en octobre 2018 l’essentiel de ses programmes d’information pendant des semaines. Une collègue jordanienne de Ghada Ouiess a également subi une campagne de cyberharcèlement avec les mêmes procédés.

 

Piratages de données personnelles

 

«Madame Oueiss mène son action contre tous les accusés – nationaux et étrangers – responsables du vol et de la diffusion internationale d’informations personnelles», a souligné l’avocat américain de la journaliste, Daniel Rashbaum. Les déclarations de celui-ci au site d’information TheHill, qui traite de l’information politique et institutionnelle américaine, ont été reprises jeudi par une série de médias arabes financés par le Qatar. Le tribunal de la Floride a pu être saisi de l’affaire parce que deux des complices, Sharon Collins et Hussam al-Jundi, accusés «d’actes de distorsion», sont résidents dans cet Etat, a fait valoir l’avocat.

«L’attaque préméditée», selon l’acte d’accusation, «visait à détruire la réputation, la vie personnelle et la carrière de Ghada Oueiss». Il s’agirait «d’un travail coordonné par les gouvernements d’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis», selon le document. Ce n’est pas la première fois que MBS est accusé d’être derrière le piratage remarquable de données personnelles. L’année dernière, il aurait visé le portable de Jeff Bezos, avec lequel il était en contact. Le patron d’Amazon est, en effet, le propriétaire du Washington Post, avec lequel collaborait Khashoggi et qui s’est montré intraitable dans la défense de son chroniqueur saoudien assassiné.

«Ce n’est pas un simple combat personnel mais une bataille pour tous ceux qui ne peuvent s’exprimer contre l’injustice», a écrit Ghada Oueiss sur Twitter en annonçant son action en justice. La journaliste dénonce inlassablement sur les réseaux sociaux les responsables saoudiens pour leur politique, leur comportement ou la guerre au Yémen. Un combat qui a valu à la plainte de la journaliste le soutien de la directrice de Human Rights Watch, Sarah Leah Whitson, qui s’est enthousiasmée sur Twitter : «GO Ghada! WE ARE WITH YOU.»

Hala Kodmani
Source : Libération (France)
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