MÉMOIRES – Au Proche-Orient, Barack Obama naviguait à vue entre grands écarts et renoncements

L’ancien président américain publie la première partie de ses mémoires. Les chapitres consacrés au monde arabe, à Israël et la Palestine illustrent ses hésitations et ses ambivalences. Choix contrariés et décisions controversées alternent et brossent un bilan d’étape contrasté pour un homme qui a peut-être suscité trop d’espoirs.

C’est entendu, Barack Obama possède l’étoffe d’un écrivain. Peu s’en étonneront. Sa faconde déclinée en éloquents discours avait déjà séduit tant de publics à travers le monde et chez lui aux États-Unis. Dans Une terre promise, le long premier tome de ses mémoires, l’ancien président américain s’attache à se décrire comme un homme à la fois avisé et prudent, soucieux de promouvoir les justes réformes et les nécessaires changements. Même si le crible de son action au Proche-Orient ne constitue nullement le cœur de son ouvrage, elle aide à cerner ses ambitions et les limites de celles-ci.

On le sait, Barack Obama reçut le prix Nobel de la paix le 9 octobre 2009, quelques mois seulement après son arrivée à la Maison-Blanche. Cette distinction incongrue au moins pour sa célérité étonnante doit beaucoup à son fameux discours du Caire, prononcé le 4 juin 2009, quand il voulut faire entendre une tonalité radicalement neuve :

Il s’agissait aussi d’admettre l’indifférence des États-Unis vis-à-vis de la corruption et de la répression dans la région, et notre complicité dans le renversement du gouvernement élu démocratiquement en Iran, pendant la guerre froide, ainsi que de reconnaître les humiliations cuisantes endurées par les Palestiniens vivant dans les territoires occupés. Entendre ces faits historiques indéniables énoncés par un président américain allait en désarçonner plus d’un, me suis-je dit […].

Obama instilla en effet beaucoup d’espoirs dans les cœurs ce jour-là, même à Oslo, parmi les jurés du Nobel de la paix… Mais la réalité le rattrape vite, il l’admet. Le dossier afghan, par exemple, requiert une décision urgente qui le contraindra à décevoir, comme il le note : « Le mois d’octobre 2009 allait devenir le plus meurtrier pour nos troupes depuis le début de la guerre d’Afghanistan, huit ans auparavant, et je savais que, loin d’inaugurer une ère de paix, je risquais bientôt d’envoyer de nouveaux soldats au front. » Ce qu’il fera.

 

Israël-Palestine sur la corde raide

 

Comme il se doit, l’auteur consacre un chapitre important au dossier israélo-palestinien, qu’il annonce comme prioritaire, même s’il le positionne en fin d’ouvrage, avec ce titre : « Sur la corde raide ». Il tente, comme sur les autres sujets, de contextualiser le contentieux dans le souci évident de le rendre accessible aux néophytes. Ce qui l’amène à recourir à des raccourcis ou à des approximations qui agaceront sans doute certains. Obama entend pourtant bien expliquer pourquoi il a jugé nécessaire d’intervenir pour faire avancer la paix, non sans mettre le doigt sur une contradiction récurrente de la diplomatie américaine :

Pratiquement tous les pays du monde jugeaient que, en occupant les territoires palestiniens, Israël enfreignait le droit international, et nos diplomates se retrouvaient contraints de faire le grand écart en défendant Israël pour des actes auxquels nous nous opposions par ailleurs. Ils devaient aussi expliquer comment nous pouvions faire pression sur la Chine ou l’Iran à propos des droits fondamentaux alors que nous paraissions bien peu nous soucier de ceux des Palestiniens. Et, pendant ce temps, l’occupation israélienne continuait à révolter la communauté arabe et à alimenter le sentiment antiaméricain dans tout le monde musulman.

Barack Obama, comme souvent dans son livre, expose ses nuances, ses ambivalences, ses hésitations. Dans ce dossier, il décrit son approche initiale de cette manière :

J’étais convaincu qu’il existait un lien fondamental entre le vécu des Noirs et celui des Juifs — une histoire faite d’exil et de souffrance que pourraient réparer, à terme, une même soif de justice, une compassion plus profonde et une solidarité communautaire accrue. Pour toutes ces raisons, je défendais vivement le droit des Juifs à avoir leur propre État, même si, ironie du sort, ces valeurs que nous partagions m’empêchaient aussi d’ignorer les conditions dans lesquelles étaient forcés de vivre les Palestiniens des territoires occupés.

Sa compréhension de l’équation du problème israélo-palestinien le pousse à écrire des lignes peu banales de la main d’un ex-président des États-Unis. Ainsi, pour expliquer pourquoi il exigeait davantage à l’Israélien Netanyahou qu’au Palestinien Abbas, il a ces mots : « […] étant donné l’écart de puissance entre Israël et les Palestiniens — au fond, Abbas ne pouvait pas donner grand-chose aux Israéliens qu’ils n’aient déjà pris —, je trouvais raisonnable de demander au camp le plus puissant de faire un pas plus grand sur le sentier de la paix. »

 

Des obstacles nommés Nétanyahou et Aipac

 

Il n’a toutefois jamais été question de remettre en cause les liens indéfectibles entre l’État d’Israël et les États-Unis, ni de se lancer dans une critique en profondeur de la politique israélienne à l’instar d’un autre ancien président américain, Jimmy Carter, qui s’est autorisé à brandir le mot « apartheid » (certes, 27 ans après avoir quitté le pouvoir).

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Baudouin Loos

Source : Orientxxi.info (Le 11 décembre 2020)

 

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