Un Tweet de la diplomatie chinoise avive les tensions entre Pékin et Canberra

L’Australie proteste contre une série de mesures antidumping de la Chine contre son économie.

Les relations entre la Chine et l’Australie ne cessent de se dégrader. Dernier épisode en date : la publication, lundi 30 novembre, d’un Tweet par Zhao Lijian, porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois dans lequel celui-ci se dit « choqué par le meurtre de civils et de prisonniers afghans par des soldats australiens ». Il ajoute : « Nous condamnons fermement de tels actes et appelons à tenir [les soldats] responsables. » Surtout, ce Tweet est illustré d’un photomontage représentant un soldat australien tenant un couteau couvert de sang sur la gorge d’un enfant afghan au visage voilé, qui, lui, tient un agneau dans ses bras. La légende de la photo est la suivante : « N’ayez pas peur. Nous sommes venus pour vous apporter la paix. »

Ce Tweet fait allusion à un rapport, publié le 19 novembre en Australie, révélant que vingt-cinq soldats des forces spéciales ont tué trente-neuf civils afghans innocents entre 2009 et 2013. L’Australie a reconnu les faits, et le général Angus Campbell, chef de l’armée australienne, a présenté ses excuses à l’Afghanistan.

Le 30 novembre, le premier ministre australien, Scott Morrison, a jugé le Tweet chinois « complètement scandaleux ». « Le gouvernement chinois devrait avoir absolument honte de cette publication. Elle le rabaisse aux yeux du monde », a-t-il déclaré. En réponse, une porte-parole du gouvernement chinois, Hua Chunying, a jugé que « c’est le gouvernement australien qui devrait avoir honte que ses soldats tuent des civils afghans innocents ».

 

Mesures contre les exportations de vin

 

Depuis qu’en avril l’Australie a demandé la création d’une commission d’enquête internationale sur l’origine du SARS-CoV-2, la Chine multiplie les attaques contre ce proche allié des Etats-Unis dans le Pacifique. Vendredi 27 novembre, c’est l’économie australienne qui avait, une nouvelle fois, été visée. Pékin avait annoncé l’imposition de lourdes mesures, officiellement antidumping, contre les vins de l’île-continent : des surtaxes compensatoires comprises entre 107,1 % et 212,1 %. Un coup sévère porté à une industrie viticole qui vend jusqu’à 1,2 milliard de dollars australiens (740 millions d’euros) de produits par an à son puissant voisin asiatique.

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Australie. Elle absorbe 40 % de ses exportations. Depuis le printemps, Pékin a déjà réduit ses importations de bœuf, d’orge, de coton, de laine, de bois, de sucre, de homard, de cuivre ou encore de charbon − sous le couvert de l’application de mesures techniques, antidumping ou sans aucune explication −, tout en menaçant de boycotter les universités et les sites touristiques australiens. Au total, les mesures déjà prises porteraient sur environ 20 milliards de dollars australiens (12 milliards d’euros) d’exportations, mais plus de 50 milliards de dollars australiens (30 milliards d’euros) de revenus pourraient être affectés.

 

L’exclusion de Huawei

 

Le gouvernement, dirigé par un premier ministre conservateur, envisage de saisir l’Organisation mondiale du commerce. « Il n’y a pas de dumping. Ces sanctions ont une visée politique. En s’attaquant à ces différentes industries, la Chine espère qu’elles feront pression sur l’exécutif australien pour qu’il infléchisse certaines de ses positions en matière de politique étrangère », estime Jeffrey Wilson, spécialiste des questions commerciales pour le centre de recherche Perth USAsia.

Mi-novembre, l’ambassade de Chine à Canberra avait communiqué à des journalistes locaux une série de quatorze griefs contre le pays parmi lesquels : l’exclusion du géant chinois des télécoms Huawei du déploiement du réseau 5G sur l’île-continent, la loi sur les ingérences étrangères ou encore les « incessantes interférences » dans les affaires de politique intérieure chinoise. M. Morrison avait répondu que ce « document non officiel » n’empêcherait pas Canberra de fixer « ses propres lois et ses propres règles en fonction de son intérêt national ». Ce différend est observé de près par les chancelleries occidentales redoutant que la Chine ne veuille faire de l’Australie un « exemple ».

Frédéric Lemaître (Pékin, correspondant) et Isabelle Dellerba (Sydney, correspondance)

Source : Le Monde

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