Passage à tabac d’un producteur à Paris : quatre policiers suspendus, une enquête ouverte

Samedi 21 novembre, des policiers ont été filmés par une caméra de vidéosurveillance en train de rouer de coup un homme noir, et lançant une grenade lacrymogène dans son studio de musique, sans motif apparent. L’IGPN est saisie.

Un déchaînement de violence inexplicable. C’est le sentiment laissé par l’enquête du média Loopsider mise en ligne jeudi 26 novembre qui révèle le passage à tabac d’un homme dans la soirée du samedi 21 novembre par trois policiers, à Paris. Dans cette enquête, le journaliste David Perrotin revient sur des événements qui se sont déroulés dans le 17e arrondissement de la capitale et révèle les conditions d’une interpellation plus que violente d’un producteur de musique dans l’entrée de son propre studio.

Les images publiées montrent un homme appelé Michel qui subit une volée de coups assénés par des policiers alors qu’il se trouve à l’entrée d’un studio de musique. Selon leur procès-verbal consulté par l’Agence France-Presse (AFP), les policiers ont tenté de l’interpeller pour défaut de port du masque. « Alors que nous tentons de l’intercepter, il nous entraîne de force dans le bâtiment », écrivent-ils.

Mais les images de vidéosurveillance de ce studio ne montrent pas cela. On y voit les trois fonctionnaires de police entrer dans le studio en agrippant l’homme puis le frapper à coups de poing, de pied ou de matraque. Dans leur rapport, les policiers ont écrit à plusieurs reprises que l’homme les avait frappés. Or, selon ces mêmes images, Michel résiste en refusant de se laisser embarquer, puis tente de se protéger le visage et le corps mais ne semble pas porter de coups. Loopsider a publié l’intégralité de la scène d’une durée de 13 minutes. Par ailleurs, l’homme, noir, affirme avoir fait l’objet d’insultes racistes de la part des agents, déclarant avoir été traité de « sale nègre » auprès de nos confrères.

Dans un second temps, des personnes qui se trouvaient dans le sous-sol du studio parviennent à rejoindre l’entrée, provoquant le repli des policiers à l’extérieur et la fermeture de la porte du studio. Les policiers tentent ensuite de forcer la porte et jettent à l’intérieur du studio une grenade lacrymogène qui enfume la pièce. D’autres images dévoilées par Loopsider et tournées par des riverains montrent les policiers pointer leurs armes dans la rue et intimer à Michel l’ordre de sortir du studio.

Photographies de Michel faites par son avocate afin de constater les blessures dans la nuit du samedi 21 novembre.

« Violences par personnes dépositaires de l’autorité publique »

 

A la suite de son interpellation violente, le producteur avait, dans un premier temps, été placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Paris pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion ». Mais le parquet de Paris a, finalement, classé cette enquête et ouvert, mardi, une nouvelle procédure pour « violences par personnes dépositaires de l’autorité publique » et « faux en écriture publique », confiée à l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

Moins de deux heures après la publication de cette enquête, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a réagi et fait savoir qu’il avait demandé au préfet de police de « suspendre à titre conservatoire » ces policiers. « Je me félicite que l’IGPN ait été saisie par la justice dès mardi. (…) Je souhaite que la procédure disciplinaire puisse être conduite dans les plus brefs délais », a écrit Gérald Darmanin dans un message publié sur Twitter.

 

« Afin d’établir précisément les circonstances de l’interpellation de [cet homme], le préfet de police a saisi l’IGPN sur le plan administratif et a demandé au directeur général de la police nationale de suspendre à titre conservatoire les policiers impliqués », a précisé, dans la foulée, la Préfecture de police.

 

Quatre policiers suspendus

 

A la mi-journée, le procureur de Paris, Rémy Heitz, a déclaré qu’il demandait à la « police des polices » d’enquêter « le plus rapidement possible » sur cette affaire. « C’est une affaire extrêmement importante à mes yeux et que je suis personnellement depuis samedi », a déclaré le procureur de la République.

Un quatrième policier a été suspendu de ses fonctions jeudi après le passage à tabac du producteur, a appris l’AFP jeudi de source proche du dossier. Ce policier, arrivé en renfort, est accusé d’avoir lancé une grenade lacrymogène dans le studio de musique où a eu lieu la violente interpellation. Les trois policiers ayant procédé à l’interpellation ont, eux aussi, été suspendus de leurs fonctions par le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux.

Gérald Darmanin était invité du « 20 heures » de France 2, jeudi. « Ces images sont inqualifiables, choquantes, j’ai demandé la suspension de ces policiers », a annoncé le ministre de l’intérieur, ajoutant : « Si la justice conclut à une faute, je demanderai la révocation des trois policiers, ils ont sali l’image de la République. Lorsque des gens déconnent, ils doivent quitter l’uniforme de la République. »

 

« Ces images sont insoutenables »

 

« Mon client a fait quarante-huit heures de garde à vue de manière injustifiée sur des propos mensongers des services de police qui l’ont outrageusement violenté », a dénoncé son avocate, Me Hafida El Ali. Si nous n’avions pas les vidéos, mon client serait peut-être actuellement en prison. »

La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, s’est dite sur Twitter « profondément choquée par cet acte intolérable », tandis que son premier adjoint, Emmanuel Grégoire, a jugé « ces images insoutenables ». « Terribles et injustifiables images », a commenté de son côté le député écologiste ex-LRM Matthieu Orphelin.

L’Assemblée nationale a voté cette semaine la proposition de loi sécurité globale, dont l’article 24 punit d’un an de prison et 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » de membres des forces de l’ordre en intervention, quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Ce texte, qui doit être examiné au Sénat, a suscité de vives critiques de la part des journalistes et des défenseurs des libertés.

Le Monde avec AFP

Source : Le Monde

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