Baaba Maal : « Le monde fait la sourde oreille au sujet du Sahel »

Cet ambassadeur de l’ONU pour la lutte contre la désertification allie la musique au développement des populations. Il souhaite la paix dans le Sahel.

Outre ses productions musicales, Baaba Maal accompagne les jeunes et les femmes dans les activités de développement local grâce à sa fondation Nanka. Dans cette interview exclusive réalisée dans son espace agricole à Podor, sa ville natale au Sénégal, il explique aussi pourquoi le monde entier devrait soutenir le Sahel. Entretien….

 

DW: Bonjour Baaba Maal, chanteur engagé, vous êtes fondateur de l’ONG Nanka et ambassadeur de l’UNCCD (Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification). Alors, quelle est votre activité aujourd’hui?

 

Baaba Maal: Mon activité aujourd’hui, c’est de promouvoir d’abord la paix dans le Sahel et surtout sur le continent africain, mais aussi de promouvoir le développement durable. Pour cela, j’allie la musique aux actions de développement.

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DW: Vous accompagnez, vous organisez des jeunes à l’autonomisation via votre organisation Nanka, à travers des projets de mise en valeur des terres agricoles. Pouvez-vous nous donner quelques explications?

 

Baaba Maal: La première sortie de Nanka, c’est une occasion, surtout là où je suis né, dans la ville de Podor, dans le département de Podor, dans le nord du Sénégal, de former 30 jeunes dans les métiers dans lesquels ils excellent en matière d’entreprenariat. Avec cette formation, nous avons pu leur trouver quand même des financements qui leur ont permis de commencer quelque chose de très concret dans leur vie. Quant à mon engagement avec l’UNCCD, on pense à la désertification. On pense à planter des arbres, mais on pense surtout à initier des projets de développement qui peuvent servir quand même à stopper l’avancée du désert, mais tout en mettant sur pied des plans de développement,

 

DW: L’autre partie de la population que vous accompagnez, ce sont les femmes. Voulez-vous dire qu’elles ont besoin de plus d’aide que les hommes?

 

Baaba Maal: Les femmes ont quelque chose que nous, les hommes, nous n’avons pas. Les femmes ont la capacité, un peu partout sur le continent africain, de se mettre ensemble, de se donner la main, d’initier de petits projets de développement et de mettre sur la table toutes les petites sommes qui sont nécessaires à leur planning de développement et d’avoir des projets bien structurés. Mais ce qui leur manque des fois, c’est le soutien, c’est la reconnaissance, c’est de pouvoir avoir accès aux banques, aux bailleurs de fonds, à tous ceux qui viennent soutenir, par exemple, les actions de développement. Ces femmes ont besoin qu’on les mettent en avant puisqu’elles ont beaucoup de choses d’ailleurs à proposer dans le développement.

 

DW: Un artiste chanteur qui encourage et accompagne des jeunes à faire de l’agriculture. Quel lien faites-vous entre les deux activités, la musique et la mise en valeur des terres?

 

Baaba Maal: On ne peut pas dire qu’on est un chanteur, un musicien célèbre que les gens suivent, écoutent, consomment son produit sans pour autant s’investir dans le développement des populations, puisque cette population-là, c’est notre marché. Et pour que cette population puisse se prendre en charge, il faut qu’on permette à cette population de travailler dans ses terres, d’utiliser ses ressources naturelles, d’utiliser son savoir-faire et tous ses bras valides pour que ces populations servent d’abord le continent africain avant de servir le reste du monde.

 

DW: Qu’est-ce qui distingue votre fondation des autres organisations de la société civile actives en Afrique?

 

Baaba Maal: La Fondation Nanka a la chance de plaire. D’abord, il y a le nom Baaba Maal bien sûr. Il y a le fait aussi que la culture que moi je prône est très proche des populations. Mais l’autre différence avec cette fondation, c’est que moi-même, je viens du Sahel, je viens d’une petite localité. Pendant plus de 30 ans, j’ai fait des concerts qui n’ont pas servi à des promoteurs de musique, mais qui ont servi à des associations de développement. Donc, ce qui nous a permis de comprendre par quels moyens les populations veulent qu’on les aide, qu’on les accompagne.

 

 

 

Le Sahel en proie aux attaques djihadistes est devenu l’une des zones les plus exposées au monde Le Sahel en proie aux attaques djihadistes est devenu l’une des zones les plus exposées au monde

 

DW: Vous avez lancé récemment un appel pour soutenir le Sahel, qui traverse une crise humanitaire sans issue. Pourquoi une lettre ouverte maintenant?

 

Baaba Maal: C’est une population très dynamique qui a vu naître beaucoup de grands empires qui ont fait le rayonnement de la culture africaine. Si depuis quelques années, on voit que les populations sont livrées à elles-mêmes, on a l’impression que le monde fait la sourde oreille par rapport à ça. Je pense qu’il y a quelque chose d’anormal. On a besoin de paix.

 

DW: Que pensez-vous de la politique actuelle au Sénégal et dans la sous-région?

 

Baaba Maal: Quand on promet des choses, il faut vraiment les tenir, ses promesses. Et je pense que le meilleur des politiciens est celui qui se rend compte que la souveraineté reste entre les mains des populations. On a quelque chose à proposer. Il faut savoir que ce sont les populations qui consomment et qui décident.

 

DW: Selon vous, quel devrait être le rôle des jeunes dans le développement local?

 

Baaba Maal: Il faut que les jeunes s’engagent. L’avenir du continent, du monde, de notre planète, c’est mon avenir. Il faut que je m’engage et que je ne laisse pas d’autres personnes prendre les décisions à ma place. C’est le message que je donne à la jeunesse.

 

Baaba Maal a chanté aussi pour sensibiliser sur la Covid-19 au Sénégal Baaba Maal a chanté aussi pour sensibiliser sur la Covid-19 au Sénégal

 

DW: Nous sommes en pleine pandémie du coronavirus. Comment contribuez-vous à la lutte contre la Covid-19 au Sénégal?

 

Baaba Maal: J’ai été très actif depuis le début de la pandémie. Bien sûr, en respectant les gestes barrières, j’ai des chansons pour sensibiliser. Mais en même temps, j’ai eu à faire des concerts. Je me suis engagé avec quelques associations, quelques fondations qui ont des traces en Afrique pour être la voix des populations marginalisées. Tant que ces populations ne sont pas sécurisées, ne sont pas immunisées, je ne peux pas dire que je suis immunisé.

 

DW: Vous arrive-t-il parfois de faire passer des messages en anglais? Et pourquoi?

 

Baaba Maal: « Something really good in the Sahel is to help to bring peace and harmony in the communities like it used to be in the past. And also the second great gift that we can give to this population is a good education plan. » C’est important de lancer le message en anglais parce qu’il y a plein bonnes volontés dans le monde en direction du continent africain.

 

DW: Baaba Maal, merci,

 

Baaba Maal: Merci beaucoup.

 

 

Robert Adé

 

Source : Deutsch welle

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