Opinion – Comment des dessins peuvent-ils devenir plus graves que des meurtres ?

Derrière les décapitations et les meurtres de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, se trouvent bien plus que des tueurs : une culture politique arabo-musulmane rétive à la différence, aux libertés publiques et aux droits humains, estime Daraj.

Des meurtres islamistes sont commis de ville en ville sous le mot d’ordre “Ne touchez pas au Prophète”. En réalité, ce mot d’ordre a été lancé de manière fallacieuse par des chefs politiques qui veulent gonfler leur popularité évanescente et se draper d’une sacralité qui les rendrait intouchables.

Brandir un couteau, couper des têtes et poignarder des civils comme si cela était une réponse à une caricature, cette équation n’est pas tenable.

Des crimes, contre le professeur Samuel Paty puis contre des fidèles de la basilique de Nice, sont d’une telle atrocité qu’on est forcé de se demander s’ils ne mettent pas en cause quelque chose qui va au-delà des seuls auteurs des attentats.

Car toutes ces campagnes de provocation et ce sang versé au nom de la défense du “sacré” finiront par rejaillir sur les égarés de la religion.

 

Président turc et médias arabes

 

Et lorsque des dirigeants politiques et des médias arabes tels que la chaîne qatarie Al-Jazira parlent encore et encore de “dessins qui portent atteinte à l’islam”, ils instillent dans l’opinion publique l’idée que la liberté d’expression est synonyme d’atteintes à l’islam, et par extension un péché capital. Et cela ouvre la voie aux tueurs.

Comment expliquer, sinon par la bassesse, l’apparition du Président turc Recep Tayyip Erdogan dans une mosquée psalmodiant pieusement le Coran, tout en menant une campagne hostile à la France et se présentant comme le “héraut de la dignité des musulmans” ?

Alors qu’en fait il viole au quotidien la dignité de son peuple et d’autres peuples que son régime assassine ?

Mobiliser le sacré et user de la corde populiste est la seule manière pour nombre de dictateurs du Moyen-Orient de gagner la sympathie des gens simples et de se maintenir au pouvoir.

 

Ces crimes au nom du “sacré”

 

Car le sacré est un concept qu’on peut rétrécir et élargir selon les besoins et qui ne s’arrête pas aux seules caricatures.

On a vu au cours des années précédentes comment la défense du “sacré” a conduit aux tribunaux et à la potence dans les pays musulmans des personnes accusées de “crimes” pires que celui de Charlie Hebdo.

Et aujourd’hui au lieu de s’en tenir à la condamnation des meurtres, nombreux sont ceux qui dévient le débat sur la question du racisme en France et en Occident.

Ce débat peut être juste et nécessaire, mais cela revient surtout à évacuer le débat sur la situation de nos propres sociétés musulmanes, pour incriminer l’Occident. Et là aussi c’est de la pure hypocrisie.

 

Diluer le débat au nom du racisme et du passé colonial

 

De même, il est peut-être légitime d’un point de vue historique de critiquer la France pour son passé colonial, mais le faire maintenant, dans les circonstances actuelles, cela revient à diluer le débat et à faire diversion par rapport à la responsabilité des dirigeants musulmans et chefs d’État du Moyen-Orient qui ont produit cette culture de la haine.

À ce propos, on peut rappeler l’étrange attitude de l’université islamique d’Al-Azhar, au Caire, vis-à-vis de Daech. Al-Azhar a certes condamné les attentats commis par cette organisation terroriste. Mais n’a jamais prononcé son excommunication, malgré ses effroyables crimes.

Mais, pour Charlie Hebdo, Al-Azhar a fait preuve de plus de diligence en annonçant [dès le 28 octobre], qu’il allait lui intenter un procès et demandait la criminalisation de toute “atteinte à l’islam”.

 

La France a chassé la religion de la sphère publique

 

Cette étrange attitude est partagée par beaucoup d’instances et de personnalités musulmanes qui certes condamnent Daech, mais jamais avec la véhémence avec laquelle elles s’en prennent aux caricatures.

Comment des dessins peuvent-ils devenir plus graves que des meurtres ? Et avec quelle dextérité peut-on aujourd’hui tuer des dizaines d’écrivains et de penseurs, les mettre en prisons, les déclarer apostats dans les pays arabes et musulmans ?

Mais il n’en reste pas moins que la France et plus généralement les pays occidentaux ont accompli quelque chose qui fait défaut aux sociétés arabes et musulmanes. La France a chassé de haute lutte la religion de l’espace public. Jusqu’à aujourd’hui, elle est fière de cet acquis.

La laïcité française, et plus généralement occidentale, ne consiste pas à nier le droit à avoir des croyances, mais avant tout à assurer la neutralité de l’État et du débat d’idées vis-à-vis de la religion.

En réalité, quand quelqu’un se moque des religions, des prophètes ou de symboles religieux, les Français et plus généralement les Occidentaux n’y prêtent pas vraiment attention.

 

La profondeur de la crise de l’Islam

 

Le problème ne réside donc pas dans ce que publie Charlie Hebdo, mais dans notre culture qui réagit à la différence en tuant, à la femme en lui imposant le voile, aux libertés en érigeant des tabous, à la laïcité par l’excommunication et à toutes les personnes qui protestent par l’emprisonnement, l’ostracisme ou l’assassinat.

Cette culture se retrouve dans les manuels scolaires, dans les institutions, dans les décisions politiques, chez les hommes de religion et même chez des intellectuels.

Cela a engendré des assassins qui ont grandi sous la tutelle de l’islam politique et des régimes dictatoriaux. C’est cette culture qui a tué l’enseignant français et beaucoup d’autres avant lui.

Les caricatures de Charlie Hebdo ont en fait révélé la profondeur de la crise de l’islam et à quel point nos politiques sont rétives aux libertés publiques et aux droits humains.

Diana Mouqallad
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