Face aux viols en Mauritanie, le monde rural invente ses «Cages à filles»

Face à la recrudescence des viols qui se sont déportés jusqu’aux plus lointaines localités, les populations de la Mauritanie profonde ont créé des cages en fer où elles enferment leurs filles pendant la nuit. Ce sont les «Cages à filles».

Il faut dire que le démon de midi, qui décrit les appétits sexuels redoublés qui s’emparent d’hommes ou de femmes mûrs, au midi de leur vie, a gagné énormément de terrain dans ce pays, surtout parmi les jeunes. Et pourtant, l’enseigne du pays peut prêter à confusion.

On parle ici d’une République Islamique. Pour qui ne connait pas ce pays à cent pour cent musulmans, croirait à un pays de dévots, fait de génuflexions, chasteté, coupage de mains, flagellations et autres lapidations pour qui ne se conformerait à la loi islamique. Mais une fois à l’intérieur, on découvre un pays de cocagne, où tous les plaisirs, sans s’étaler forcément à l’œil nu, déborde les huttes fagotés des bidonvilles jusqu’aux villas suintant l’opulence.

Ici, on trouve du tout, de l’alcool à flots, mais bien soustrait à la vigilance d’une République qui quoi qu’on dise reste intransigeante sur les interdits. N’empêche, l’alcool est disponible pour qui en connaît les secrets circuits, mais aussi les maisons closes, les salles de jeu, les dealers, les faux monnayeurs et autres trafiquants de devises, et les faussaires en tout sorte. On y côtoie aussi bien de faux marabouts que de faux médecins, avec une administration publique qui grouille de faux diplômés. Une ancienne ministre de la Fonction Publique parlait de 80% de faux diplôme.

Mais rien n’a été fait pour chasser ces faux fonctionnaires. Un semblant d’enquête aurait débuté sur ce sujet, mais vite stoppé face à l’ampleur du mal, on s’est sans doute rendu compte que si l’on chasse les faux diplômés, on serait en face d’une administration totalement vide. Alors, on ferme les yeux.

Mais au milieu de cette faune de malfrats qui peuplent la République Islamique, les violeurs constituent les plus gros clients du système judiciaire. Une loi protégeant les filles et les femmes contre les viols n’arrivent pas à percer depuis 2016, malgré la présentation du projet à trois reprises devant les députés, dont une dernière tentative courant 2020. Ce qui laisse encore un bon sursis aux violeurs qui ne se font pas prier pour poursuivre leur sale besogne, avec une justice qui ferme souvent les yeux sur les arrangements entre familles de violeurs et familles de violées.

Chaque jour et ses lots d’agressions sexuelles, souvent suivies de meurtre, d’enlèvement et de séquestration de filles retrouvées plus tard jetées dans les rues. Deux cas emblématiques ont secoué récemment l’opinion publique, le viol suivi de meurtre de la jeune Khadijetou Oumar Sow en mars 2020 et tout récemment, le viol suivi de meurtre de la jeune Moima Amar, 27 ans.

Et ces violeurs sont de tous les profils, agents des forces de l’ordre et de sécurité, enseignants, marabouts, praticiens de la santé, chauffeurs, oncles, pères, frères, cousins, voisins, boutiquiers du coin, sans compter les droits de cuissage exercés aussi bien dans le secteur public que privé, l’embauche et le maintien au poste en assouvissant les plaisirs du patron, ou la porte et la perte de l’emploi. Un chantage qui fait des ravages au sein des filles souvent issues de milieux pauvres et déshérités.

Ce phénomène spécifiquement urbain pendant de longues décennies a gagné tout récemment l’arrière pays. Dans les régions de l’extrême Est, des cas de viols commencent à émerger de plus en plus dans des coins insoupçonnés comme Touil, Bousteila, Adel Bagrou…

Du coup, les populations de ces contrées lointaines, épargnées jusque-là des maux qui rongent les grandes villes, ont inventé des refuges sûrs pour leurs filles, les «Cages à filles ».

Cheikh Aîdara

Source : Thaqafa

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