(Suite 6) : L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (7ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

Le retour à l’ordre constitutionnel contesté

 

Certains observateurs considèrent que le régime républicain et le retour à l’ordre constitutionnel sont établis au terme de l’élection du Président Mohamed OULD ABDEL AZIZ en qualité du président de la République le 18 juillet 2009. A ce titre, il convient de noter qu’une disposition pertinente des Accords de Dakar consacre déjà le retour à l’ordre constitutionnel, à travers l’exercice de l’intérim du Président de la République par le Président de la chambre haute du Parlement (le Sénat), conformément aux dispositions de l’article 40  de la constitution du 20 juillet 1991. Dans cet ordre d’idée, il serait utile de rappeler la signification du mécanisme d’intérim en l’occurrence  qui induit deux portées : la première est d’essence constitutionnelle en ce sens qu’elle fait appliquer des dispositions pertinentes de la Constitution au cas d’espèce alors que la seconde portée est d’ordre politique car elle réconforte davantage l’idée de rupture avec le régime établi sur les décombres du pouvoir civil élu en 2007.

Ainsi, le processus de régularisation  des institutions constitutionnelles et démocratiques du pays a été reconnu par les leaders de la scène politique,  en particulier par le Chef de file de l’opposition démocratique. Le début du mandat du Président élu a été marqué par un fonctionnement normal des institutions constitutionnelles et démocratiques du pays, symbolisé par la nomination d’un gouvernement chargé de mettre en œuvre le programme politique du Président, l’exercice par le Parlement de ses prérogatives, la pacification du climat entre l’Opposition et la Majorité qui jouent dorénavant leur rôle respectif classique. Cet éphémère fonctionnement quasi harmonieux des Institutions n’a pas tardé à se transformer en un climat  de tension et de suspicion, ouvrant ainsi de nouveaux fronts entre les acteurs politiques du pays.

Considérant avoir été ‘’bernés’’ en acceptant les Accords de Dakar qui n’ont abouti qu’à la légitimation du régime militaire du HCE, certains Partis de l’Opposition structurés dans la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), ragaillardis par un contexte international jugé favorable qu’alimentent le printemps arabe et le départ des régimes dictatoriaux solidement établis, tentent de reprendre l’initiative à travers des mobilisations populaires hissant le slogan du départ du régime en place, qualifié de régime illégitime issu d’un coup d’Etat militaire.

Dans la même logique d’expression , on assiste à l’effervescence de la scène nationale par  les multiples actions du mouvement des jeunes du 25 février et à la redynamisation de l’élan revendicatif des mouvements des syndicats estudiantins à l’Université de Nouakchott, à l’Institut Supérieur des Etudes et de Recherches Islamiques (ISERI) et à l’expression des mécontentements de divers mouvements sociaux impulsés par la cherté de la vie notamment la hausse des prix des produits de première nécessité et les conditions draconiennes que vivent les populations en milieu rural pâtissant sous l’effet d’une rude sécheresse due au déficit pluviométrique constaté en 2011.  A cela s’ajoute l’intervention militaire engagée au nord du Mali au nom de la lutte contre le terrorisme et les bandes armées qui  est qualifiée d’action improvisée et injustifiée et surtout pouvant engendrer des périls graves pour le devenir du pays.

Face à la position politique prônée par la Coordination de l’Opposition Démocratique, le gouvernement rétorque par la légitimité de son régime issu de l’élection présidentielle organisée le 18 juillet 2009, conformément aux stipulations des Accords de Dakar auxquels l’Opposition est partie et qui était supervisée par un gouvernement d’Union Nationale. Il réaffirme, en outre, son attachement aux stratégies et aux orientations politiques amorcées depuis son avènement au pouvoir par sa détermination à défendre les frontières du pays et à sécuriser à jamais les citoyens  contre le terrorisme.

 Dans cet ordre,  le gouvernement met en relief, aussi, ses efforts déployés pour lutter contre la mauvaise gestion de la chose publique en assainissant les principaux piliers des secteurs de l’Economie nationale : l’industrie, l’agriculture, la pêche, l’élevage et les infrastructures de bases de la gabegie caractérisée qui les décime. Par ailleurs, Il persiste à valoriser le respect des libertés individuelles et collectives dont profite à juste titre l’Opposition qui exerce sans entraves son droit à la libre expression à travers l’organisation des manifestations, des meetings et des marches populaires dans toutes les régions du pays.

C’est dans cet environnement marqué par une déchirure politique profonde entre la Majorité et l’Opposition démocratique, aggravée, par ailleurs, par le report des élections législatives et municipales initialement prévues en novembre 2011, que le paysage politique du pays se redessine. Dans ce schéma controversés,  des formations politiques  dont le Parti HATEM (d’obédience nassériste), le Parti Tawassoul (Parti des islamistes en Mauritanie) ainsi l’Ex-président de la période de transition 2005-2007, feu Ely OULD MOHAMED VALL et certains officiers supérieurs retraités dont l’ex-Chef d’Etat Major de l’Armée Nationale Colonel Abderrahmane OULD BOUBACAR avaient rallié officiellement la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). Ainsi, on assiste à la multiplication de part et d’autre à des initiatives politiques et des tractations visant à apaiser ce climat quasi conflictuel.

A suivre …

Professeur El Arby Mohamedou

Lire aussi  :

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (1ère Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (2ème Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (3ème Partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (4ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (5ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (6ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

(Reçu à Kassataya le 01 septembre 2020)

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