Mali : L’armée n’est pas le peuple et le peuple n’a pas toujours raison

La légitime mésestime du président démissionnaire Ibrahim Boubacar Keita ne devrait pas aveuglé les démocrates pressés par le changement.

Il est quand même consternant de voir des progressistes et militants pour la démocratie se féliciter qu’un président civil élu (même mal élu, accusé de népotisme, mauvaise gouvernance, corruption) soit arrêté par des mutins armés. L’irruption de l’armée dans le champs des contestations politiques portés par la société civile est une forme d’atteinte à la souveraineté populaire et aux principes démocratiques.

Souvent l’armée, dans de telles circonstances a l’art de récupérer les dividendes de la contestation populaire. S’offrant à moindre frais une nouvelle image.

Cette armée impliquée dans la mort de plus d’une dizaine de manifestants, est acclamée par ces derniers et une horde de progressistes qui, quelques semaines avant fustigeaient le rôle de cette même armée.

Rempart des politiques mal élus hier, chantre de la démocratie aujourd’hui, l’armée, qui s’implique activement et à répétition dans le champ politique, ne peut s’autoproclamer comme la sentinelle de la démocratie et le réceptacle des aspirations légitimes du peuple.

Si les coups d’états se font souvent au nom du peuple, il ne profitent guère au peuple.

Comme si l’histoire bégayait on revit, à quelques exceptions près, la crise ayant conduit à la démission de Amadou Toumani Touré, durant une période charnière de l’histoire de ce pays, avec en prime les positions contradictoires de la CEDEAO par rapport aux deux situations.

La crise multidimensionnelle qui sévit au Mali ne peut trouver son salut dans les coups de forces, d’une armée plus aguerris à mener des mutineries autour de Bamako que de garantir la sécurité des pauvres citoyen en dehors de ce périmètre de souveraineté qu’est Bamako et environs.

Leur force de frappe ne se limitant qu’entre Kati la rebelle et Bamako la vierge courtisée, au grand dam des populations civiles livrées à eux-mêmes.

Ainsi les fortes contestations populaires dont la légitimité est incontestable ( corruption, contestation électorale, crise sociale, politique et sécuritaire..) n’en demeurent pas moins limitées par son exigence radicale, à savoir la démission d’un président élu par une bonne partie du corps électoral issu de ce peuple même.

Sans ergoter sur la théorie du pouvoir constituant originel (avec le peuple comme source du droit constitutionnel) ou dérivé, on peut soutenir que la Vox Populi, si puissante et légitime soit-elle n’a pas toujours raison.

Oui la crise de la démocratie représentative et sa boiteuse transposition sous nos cieux, nous pousse à tenter, au mieux des alternatives douteuses, au pire, d’épouser des  alternances intrépides et bancales.

Le philosophe doublé d’un sociologue Jean Pierre Le Goff ne soutient-il pas que « L’impuissance politique est enrobée dans les bons sentiments »! Et à moi de rajouter que « les bons sentiments ne font pas la politique ».

Diallo Saidou dit Thierno

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