Le Mali : Un coup d’Etat militaire ou une faillite d’espoir civil / Par le Professeur El Arby Mohamedou

On observe aujourd’hui en Afrique un recul important des régimes d’exception, malgré la réapparition de temps à autre de certaines tentatives d’asseoir des pouvoirs militaires. Ce recul est édicté par la conscience grandissante qu’alimentent les opinions publiques africaines de prendre en charge leurs droits de manifester et de contester toute action anti-démocratique notamment après des décennies de soumission qui ont contribué à faire pérenniser certains régimes despotiques. Ce qui conduit à affirmer que les régimes en place dans le continent, quelque soit leur qualification constitutionnelle sont tenus de s’aligner aux normes  qui consacrent le plus de valeurs démocratiques.

Il est évident que la situation actuelle au Mali, est une résultante logique d’un long parcours, de gestion de l’Etat, marqué par une instabilité politique continue et un environnement  sécuritaire inquiétant. Demeurant dans cet ordre de réflexion, il faut  mentionner la faiblesse des principales institutions constitutionnelles stricto-sensu et la léthargie chronique de l’Etat dans sa configuration lato-sensu.

Vous conviendrez avec moi, que le citoyen malien perdait, jour après jour,  de l’énergie et  de l’enthousiasme qu’il avait épargnés et dédiés  pour accompagner l’Etat dans ses missions. D’ailleurs, l’analyse de l’état des lieux en termes de réalisations en développement et l’appréciation des bilans effectifs de l’intervention publique démontrent, sans équivoque, une faillite par rapport à la crédibilité de l’Etat d’une part, et justifient d’autre part, les raisons de rupture de confiance entre l’Etat  et une partie influente de l’opinion politique et militaire malienne.

Comme suite prévisible d’une succession de contestations populaires, la catastrophe redoutée est survenue, le 19 août 2020, le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) est bien installé au pouvoir. Malgré la pression de certains pays et la réserve de certaines organisations régionales et internationales, la déclaration officielle de démission du président malien sortant Boubacar Keïta et les dissolutions de l’Assemblée nationale et du gouvernement confèrent, aujourd’hui, au CNSP le statut d’interlocuteur officiel de fait

En tout état de cause, il  y a lieu de préciser, à ce titre, que  l’auto-réforme du système politique malien s’impose avec acuité et urgence. Elle serait envisagée à travers  une volonté et un engagement capables de pouvoir engager des réformes constitutionnelles et un projet de Société effectifs. Des reformes en mesure de réhabiliter les institutions démocratiques, d’atténuer structurellement les difficultés quotidiennes des populations et de réunir, non pas seulement, une large Majorité politique mais aussi d’importantes masses populaires.  Par ailleurs, le pouvoir en place,  doit s’inscrire  dans une perspective qui prend en considération la résolution de certaines questions sécuritaires particulièrement  le statut juridique l’Azawad  et le sort des groupes armés qui se prolifèrent sur le territoire malien.

Toutefois, quelque soit le scénario politique potentiel, il convient de rappeler, en l’occurrence, que la finalité d’un système démocratique ne devrait pas être réduite à une simple programmation cyclique des élections servant de passerelles pour accéder au pouvoir, mais plutôt appréhendée à travers l’institutionnalisation d’un système dans lequel tous les protagonistes se reconnaissent. La construction de ce modèle de système au Mali permettrait de créer un environnement constitutionnel au sein duquel la Majorité est reconnue par l’Opposition et cette dernière espère  légitimement accéder au pouvoir par la voie de l’alternance politique, au moment où le citoyen garde sa pleine confiance dans les institutions étatiques, lesquelles lui garantissent ses droits et lui assurent un avenir meilleur.

Professeur El Arby Mohamedou

(Reçu à Kassataya le 19 août 2020)

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