Les immigrés des deux temps / Par le Professeur El Arby Mohamedou

A l’aube du 21èmeSiecle, la Mauritanie est devenue un point de départ privilégié pour atteindre l’Europe.  Les durcissements de mesures de contrôle sur les routes migratoires du sud algérien, les surveillances  accrues dans le détroit de Gibraltar et le renforcement de la présence des forces spéciales mauritaniennes au Nord-est du pays ont conduit les émigrants à adapter leurs itinéraires migratoires et à opter pour le passage par la Mauritanie via le port de sa capitale économique Nouadhibou.

Au delà de la récurrence de ces mesures de contrôle et de surveillance adoptées par les pays concernés, la Mauritanie demeure un pays connu pour son hospitalité légendaire. A cet égard, les ressortissants étrangers de la première génération issus de l’Afrique Sub-saharienne ont toujours bénéficié dans le cadre des politiques des migrations Sud-Sud d’un statut et de privilèges quasi-identiques aux nationaux. Ce statut leur conférait la possibilité d’exercer, en toute quiétude,  des activités génératrices de revenus  notamment dans le secteur informel florissant en Mauritanie.

Cette dimension d’intégration a permis  à certains ressortissants  sénégalais,  maliens ou encore  gambiens  d’exceller dans les métiers du bâtiment, de la plomberie, de la mécanique et du transport.  Un autre groupe constitué essentiellement de sénégalais,  de maliens et  de Bissau-guinéens sont également actifs dans la filière de la pêche artisanale.  Dans la même logique  de dévouement et de travail honnête,  les guinéens excellent dans la cordonnerie, d’autre  sont spécialisés dans la blanchisserie et la couture. Certains sénégalais, congolais, ivoiriens, béninois…..souvent jeunes diplômés ou anciens praticiens, exercent avec compétence et abnégation dans le secteur de l’enseignement.

C’est dans cet environnement propice et cet esprit de paix  sincère que des communautés africaines installées depuis des décennies en Mauritanie ont pu s’organiser respectivement en entités sociales capables d’aider et d’encadrer,  dans le respect des valeurs de leur pays d’accueil,  les nouveaux émigrants et leur faciliter l’accès à l’emploi. En revanche, nous sommes témoins que depuis quelques années, le pays connait  une nouvelle génération d’immigrés en provenance surtout du Sud et du Nord de nos frontières ……Autrement dit une nouvelle culture aux mentalités kaléidoscopiques, différente de la première  génération des migrants.

L’émergence de cette nouvelle génération d’immigrés a crée une situation  préoccupante  au niveau des grands centres  urbains. Peu préparée à un tel flux migratoire, touchée de plein fouet par une crise économique depuis la fin du siècle dernier qui affecte particulièrement les opportunités d’emploi, la Mauritanie compose vaille que vaille avec ses nouveaux hôtes. Aussi, les conséquences sur le logement, sur les infrastructures d’accueil, sur les services de santé, sur la sécurité et surtout sur les mœurs sont le leitmotiv des débats des citoyens.

D’ailleurs, il est à signaler que depuis quelques années, la Mauritanie connait une recrudescence sans précédent de la criminalité.  Contrairement aux comportements qui distinguent les premiers immigrés installés dans le pays qui vivent  dignement de leurs métiers et cohabitent en parfaite harmonie avec les populations locales, les immigrés de transit vers l’Europe empruntent des ‘’ chemins’’  peu orthodoxes pour collecter les frais de passage exigés par les réseaux de passeurs professionnels. Ainsi, le trafic de drogue, de boissons prohibées, la prostitution et la montée des actes de xénophobie sont devenus monnaie courante.

En l’occurrence, ce diagnostic socio- sécuritaire doit interpeller  les autorités mauritaniennes sur les revers négatifs de la migration et ce dans un esprit éclairé conciliant le respect des normes universelles et nationales de protection des droits des migrants et les obligations des migrants édictées par la réglementation nationale notamment en ce qui concerne  les conditions  régissant les statuts juridiques de transit et de la résidence sur la territoire national.

 

 

Professeur El Arby Mohamedou

(Reçu à Kassataya le 17 août 2020)

 

 

 

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