Avoir 20 ans en 1970 : « J’ai traversé la Mauritanie sous les étoiles filantes »

« J’ai eu 20 ans… » Un peu hippie, un peu grand voyageur, Yves Grasso a trouvé en Afrique, à 20 ans, en 1970, une philosophie de vie qui le porte encore.

« Cet été-là, j’étais en Afrique, revêtu d’un boubou. J’étais parti un an plus tôt avec cinq copains, unis comme les doigts de la main. Nous avions travaillé pour acheter et retaper, avec l’aide d’un oncle garagiste, un vieux camion militaire. Nos parents nous avaient payé des assurances, et nous avions mis les voiles, pensant partir pour dix ans.

Nous avions largué les amarres, avec l’idée de prendre tous les chemins de traverse. Notre grande affaire, à l’époque, était de ne surtout pas faire comme les autres. Nous aurions eu horreur d’aller en Inde, et nous avons choisi de traverser l’Afrique, à la rencontre de ses habitants.

Mais, au bout d’un an, j’étais à Bamako sans plus un sou en poche. J’ai fini par me résigner à rentrer en France, précisément l’été de mes 20 ans. J’ai commencé un périple en train avec deux Belges croisés par hasard. Nous avons notamment traversé la Mauritanie à bord du seul moyen de locomotion gratuit : un train minier.

« Dans le désert, on n’est jamais seul »

 

C’était un rêve. Je me suis installé à même les sacs de minerai et sous un ciel immense. Le désert n’est pas très beau, à cet endroit-là, caillouteux, loin des images de dunes somptueuses du Sahara, mais le ciel est incroyable. Il n’y avait, à l’époque, pas une lumière, aucune pollution et nous étions seuls, notre poignée de voyageurs désargentés, sous les étoiles filantes.

 

Avec mes compagnons de hasard, nous avons décidé de faire durer le voyage. Il y avait six escales le long de cette ligne de chemin de fer, et à chacune d’elle, des marchands s’installaient sous leur abri de fortune pour vendre des boîtes de sardines, du pain et de l’eau aux passagers. Nous descendions et restions avec eux quelques jours.

 

Et s’il y a bien quelque chose d’incroyable dans le désert, c’est qu’on n’y est jamais seul. Il y avait toujours des gens qui surgissaient d’on ne sait où et avec qui on s’installait sur des chaises improvisées autour du thé. J’ai passé là des moments merveilleux, à palabrer et à dormir à la belle étoile. Dans une gratuité totale.

Arrivés enfin à Nouadhibou, nous avons été hébergés par un prêtre qui laissait à disposition des voyageurs une salle ouverte aux quatre vents. C’était le début de la guerre du Sahara occidental qui était encore espagnol. Il fallait passer la frontière au dernier moment avant d’embarquer à Laâyoune, d’où nous devions nous rendre aux Canaries.

J’ai fini par débarquer à Montpellier, deux mois tout juste après avoir quitté Bamako. Je n’avais que 50 centimes en poche. Mais j’ai gardé de ce périple une certaine confiance en la vie et une grande tendresse pour l’Afrique. »

Yves Grasso

Ingénieur du son pour le cinéma et la télévision

Source : La Croix (France)

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