Mauritanie – Quelques éclaircissements dans le débat en cours à propos de la commission d’enquête parlementaire (3ème partie)

B. Le sort des membres du Gouvernement

Par la force des choses, la commission parlementaire n’ a auditionné que les Premiers Ministres et les Ministres de l’ ancien Chef de l’ Etat qui s’ est refusé à l’ exercice de manière tonitruante mais de plein droit. Certains sont encore en exercice. Tous ont accepté de venir s’ expliquer. Tous semblent avoir accablé M. Ould AbdelAziz. Ce qui filtre de ces audiences non publiques semble accablant pour ce dernier et révoltant pour notre peuple dont les biens semblent avoir purement et simplement servi de patrimoine personnel à ceux qui étaient supposés en faire le meilleur usage possible au service de tous. Exclusivement. Toutes les procédures de gestion publique pour les biens et services les plus significatifs ont été détournées. Toutes les règles des finances publiques ont été retournées, mises sens dessus dessous.

Tous les principes qui ordonnent le fonctionnement régulier des institutions en charge des richesses matérielles et immatérielles de la nation ont été renversés voir réduits à néant. Si tout celà était établi, sur une telle durée et à une telle échelle, comment les gouvernements qui ont officié sous le Gl Mohamed Ould Abdel Aziz peuvent-il ne pas rendre compte, pour chacun de ceux qui y furent directement impliqués, dans cette gestion chaotique orientée et prédatrice ? S’ils ne peuvent échapper à leur mauvaise fortune, devant qui devront-ils donc avoir à s’expliquer en définitive? Quel juge est-il compétent pour les juger?

Comme pour le Président de la République, c’ est l’ article 93 de la constitution qui tranche la question. Comme pour lui, le dualisme juridictionnel y est retenu pour les Ministres. Mais de manière singulièrement différente. Alors que la responsabilité pénale ordinaire du Chef de l’ Etat est implicite, déduite, au titre de l’ article 93 alinéa 1, celle du Premier Ministre et des Membres du Gouvernement est explicite et sans discussions possible puisque le même article précise qu’ils  » sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’ exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment oû ils ont été accomplis ».

Mais qui se charge de mettre en oeuvre cette responsabilité pénale? Le texte pointe la Haute Cour de Justice mais- et la condition est de taille- seulement lorsque les crimes en question sont accomplis dans le cadre d’un complot contre la sûreté de l’ Etat. Plus précisément, l’ article en question précise que la procédure suivie pour les amener devant cette fameuse Haute Cour de Justice leur est applicable  » ainsi qu’ à leur complice, dans le cas de complot contre la sûreté de l’ Etat ». Autrement dit, les actes criminels accomplis par les Premiers Ministres, les Ministres et leurs complices ne sont redevables de la Haute Cour que s’ils sont accomplis dans le cadre d’une » atteinte à la sûreté de l’ Etat », que ce soit la sûreté intérieure ( coup d’ Etat, atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale ) ou extérieure ( intelligence avec l’ ennemi, espionnage…).

 

On voit qu’il est plus compliqué d’envoyer un Premier Ministre ou un Ministre devant la Haute Cour que le Président de la République. Celà est cohérent avec la reconnaissance du principe général de responsabilité pénale qui pèse sur chacun d’eux et qui s’ explique largement par l’ aspect parlementaire du régime politique théoriquement mixte qui est le nôtre et que nous avons hérité de la Vème République française. Celà signifie donc que le juge naturel des membres du Gouvernement est le juge ordinaire et que c’ est à ce dernier que les dossiers de crimes économiques devraient être renvoyés, si tant est que les crimes et délits en question étaient retenus, à l’ exclusion de toute autre infraction liée à la sûreté de l’ Etat ( si le mystérieux dossier de l’ Île cédée à un étranger n’ était pas retenu au nombre des infractions possibles).

Si les compétences des juges ( de la HCJ et des juridictions ordinaires ) sont ainsi survolées et définies avec plus ou moins de précision, il reste à aborder une dernière question : celle du droit applicable et de ses effets sur la récupération des biens du pays- si tant est que leur dilapidation, dissipation etc.sont avérées.
Nous y reviendrons.

( A suivre)

 

 

Gourmo Abdoul Lô
Facebook – Le 17 juillet 2020

 

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