Nous sommes allées chercher Mohamed, alors âgé de 6 ans, arrivant tout droit de Nouakchott (Mauritanie), à Roissy le 16 Janvier. Ce fût notre premier accueil. Nous découvrons un petit garçon intimidé, recroquevillé dans son fauteuil. Nous avons prévu plusieurs jouets afin d’établir un premier contact. Les petites voitures, qui deviendront par les suites des jouets favoris, débloquèrent tout de suite le joli sourire de Mohamed.
Une après-midi lui suffit pour se mettre à l’aise et enfin entendre le son de sa voix.
Malgré la barrière de la langue, nous apprenons à faire connaissance. Il était impressionné par tout ce qu’il découvrait, de l’électricité, à l’eau courante, aux nombreux jouets qui l’attendaient… c’était magique ! Mais ce qui l’intriguait le plus, c’était la chaîne hi-fi qu’il s’amusait avec un sourire jusqu’aux oreilles à éteindre et allumer sans arrêt.
Après plusieurs heures et après avoir établis une certaine confiance, nous arrivons tant bien que mal à lui faire prendre son premier bain qu’il ne voudra plus quitter par la suite.
Mohamed refusait de s’alimenter comme nous, même les bonbons il recrachait ! Au début, nous cuisinons donc des plats africains puis nous avons pris contact avec des commerçants du quartier parlant sa langue. Petit à petit, il commençait à goûter à tout.
La veille de son premier rendez-vous à l’hôpital, Mohamed est venu me voir jouer au basket-ball. Il était tellement heureux et voulait courir partout, mais sa tétralogie de fallot était bien présente et il ne pouvait pas jouer comme tous les autres enfants… Il était essoufflé au moindre effort. C’était compliqué de devoir le stopper mais nous savons pourquoi il était là et qu’après l’opération il pourrait enfin jouer comme un enfant de son âge.
Le 20 Janvier, voilà son premier rendez-vous au CHRU pour une intervention prévue le 27 Janvier. Mohamed est toujours aussi souriant, à nous demander s’il réalise réellement.
Le 26 Janvier, nous prenons de nouveau contact avec un commerçant parlant l’arabe afin qu’il explique à Mohamed que c’était le jour J.
Le 27 Janvier, ce fût le premier jour où son beau sourire disparaissait, faisant place à une grosse inquiétude dans son regard. Difficile de le rassurer à ce moment-là sachant que Mohamed ne parle pas un mot de français…
L’intervention a été en elle-même une réussite mais Mohamed fera d’énormes complications post-opératoires. Il restera 4 jours en réanimation à l’institut coeur et poumons, pour ensuite être transféré le 30 Janvier en réanimation pédiatrique à Jeanne de Flandres où il fêtera ses 7 ans le 5 Février dans un cadre plutôt particulier…
Il reprenait des forces à son rythme et son sourire revenait enfin lorsqu’il nous apercevait à l’hôpital.
Le 10 Février, Mohamed rejoignait l’institut coeur et poumons en cardiologie où il deviendra la petite star à bord de la voiture électrique du service d’où il salue chaque membre du personnel, comme un remerciement de lui avoir donné un coeur tout neuf ! L’appétit revenait également et il avait bien compris qu’il devait se nourrir pour rentrer à la maison au plus vite, c’était encore mieux avec les sucreries qu’à présent il adore.
Le 24 Janvier, le jour tant attendu pour tous. « Le petit miraculé », comme le surnommait le personnel, qui comprend à présent de mieux en mieux le français, était très heureux de « rentrer à la maison voir Eddy et Charly », les deux petits chiens de la maison qu’il repoussait les premiers jours mais qu’il ne voulait plus lâcher les jours suivants.
Nous rentrons avec un enfant différent à la maison, en pleine santé et débordant d’énergie.
Il était également très content de retrouver son petit frère de coeur avec qui il a tissé des liens très forts. Mohamed était très protecteur avec Elyo, interdit de punir son petit frère de coeur quand il fait des bêtises, « Elyo, c’est à moi ! ».
Depuis sa sortie de l’hôpital, Mohamed profite pour découvrir les nombreux parcs de la région, aller au restaurant car maintenant Mohamed mange de tou, taller à la foire aux manèges, et même faire le coach adjoint à mes entraînements de basket. Mohamed a aussi pu découvrir l’école grâce à une ASEM de l’entourage.
Le 7 Mars, nous lui avons préparé un anniversaire surprise avec plusieurs invités à la maison. Il était aux anges et a tellement été gâté qu’il voulait tous les jours refaire son anniversaire.
Après plusieurs rendez-vous de contrôle à l’institut coeur et poumons, Mohamed est apte à repartir en Mauritanie. Mais situation totalement imprévue : le coronavirus ! Les frontières sont alors fermées et nous lui faisons comprendre, à son plus grand bonheur, qu’il restera encore « pleins de dodos » avant de repartir en Mauritanie parce que « l’avion est fermé ».
Le 17 Mars, premier jour de confinement, nous faisons donc comprendre à Mohamed que nous ne devons plus sortir de la maison. Bien sûr difficile de lui faire comprendre pour quelles raisons, mais ce ne fut pas un problème pour lui puisqu’il prenait beaucoup de plaisir à faire de la peinture, du coloriage, des ateliers manuels, de la cuisine, danser, chanter à en connaître les paroles des chansons par coeur ! Nous débordons de créativité pour occuper une petite boule d’énergie. Il a même pu fêter Pâques. Son plus grand plaisir pendant ce confinement c’était la balade quotidienne avec Eddy et Charly, on se demandait qui était le plus heureux de pouvoir se promener…
Dénutri à son arrivée, le confinement lui a permis de prendre 4 kg, « Mohamed a la force » disait-il toujours en montrant ses muscles.
Nous vivons au jour le jour sans vraiment savoir quand est-ce qu’il allait pouvoir repartir tout en le préparant sur le fait qu’il repartira bien un jour.
Le 11 Mai, jour du déconfinement, un petit tour chez le coiffeur oblige, « même pas peur ! ». C’est ce jour qu’il comprenait mieux pourquoi « l’avion est fermé », « parce que tout le monde a un masque, tout le monde est malade ». C’est un petit garçon très intelligent et avait maintenant fait le lien entre ce qu’il entendait et voyait à la télévision avec ce qu’il voyait actuellement dans la rue et les magasins.
S’en suivent la découverte de la forêt, de la mer, des moments magiques que l’on immortalisait afin de les mettre précisément dans son album photos qu’il embarquera en Mauritanie.
Retour dans les parcs qu’il avait tant apprécié avant le confinement. Piscine, ferme, balade en trottinette, en vélo… Mohamed ne manque pas d’activités.
Nous profitons de la deuxième phase du déconfinement pour retourner à la mer qu’il avait tant aimé et réserver un séjour en baie de somme, « trop content Mohamed va faire dodo à la mer ».
Mais après un passage dans la Voix du Nord le 29 Mai, la situation se débloque.
Le 2 Juin, on nous annonce un vol de rapatriement Paris / Nouakchott le 10 Juin. Une nouvelle difficile à encaisser, d’autant plus que Mohamed attendait avec impatience son séjour à la mer.
Mais le 5 Juin, nouveau rebondissement, le vol sera finalement décalé le 17 Juin. Mohamed ne comprend plus trop mais est très heureux de pouvoir tout de même partir à la mer. Un séjour qu’il n’est pas prêt d’oublier. Il avait beaucoup de reconnaissance, nous remerciait à sa façon avec beaucoup d’affection.
Vint alors la préparation des valises. Deux fois 23 kg et une fois 12 kg, ce fut encore trop peu. Mohamed est resté presque 6 mois en France et était gâté partout où il passait. Nous tâchons donc de penser à l’utile, notamment les fournitures scolaires, les vêtements et évidemment un maximum de jouets sans oublier ses photos souvenirs… Ce qu’il reste « c’est pas grave tatie, donne tout à Elyo », il avait un sens du partage et une générosité incroyable.
Le 17 Juin, ce ne fût toujours pas la bonne puisqu’à notre arrivée à l’aéroport, on nous annonce une tempête de sable à Nouakchott rendant impossible le décollage… Départ reporté au lendemain, Mohamed reste imperturbable.
Ce fut ce 18 Juin, le coeur lourd que nous laissons repartir Mohamed parmi les siens.
Une expérience très enrichissante, rempli d’imprévus avec un petit garçon ayant une joie de vivre communicative qui a fait le bonheur de tous. Notre plus grande réussite est de le voir repartir en bonne santé. Longue vie à toi, auprès de ta famille, et merci pour tout ce que tu nous as apporté Mohamed. Une véritable leçon de vie.
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