Violences – Au Sahel, les militaires aussi terrorisent les civils

Il n’y a pas que les terroristes qui commettent des exactions au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Un rapport met en cause les armées du Sahel, coupables de dizaines d’exécutions de civils. Des violences qui font réagir la presse de la région, souligne la revue de presse Afrique de RFI.

 

Dans les régions sahéliennes, il n’y a pas que les terroristes ou les bandits qui intimident, qui violentent ou qui tuent les populations civiles, il y a parfois les hommes en treillis, ceux-là mêmes qui sont censés les protéger. C’est ce dont témoigne le dernier rapport sur la question publiée le 10 juin par Amnesty International.

“Entre février et avril dernier, relate Le Pays, à Bamako, l’organisation de défense des droits de l’homme ne recense pas moins de 199 incidents au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Au moins 57 exécutions et 142 cas de disparition ont été documentés. Ces exactions, selon Amnesty, sont l’œuvre des forces de sécurité.”

“Ces bavures, pointe Le Pays, surviennent dans le cadre de l’engagement des pays du G5 Sahel à intensifier les opérations militaires contre les groupes terroristes évoluant dans la zone de Ségou, au Mali, de Ouahigouya et Djibo, au Burkina Faso, et d’Ayorou, au Niger. Dans la plupart des cas, il s’agit d’exactions qui ont lieu après que la position de l’armée a été attaquée dans ladite localité.”

Des armées à l’image ternie

 

Le quotidien burkinabè L’Observateur Paalga remarque que “ce n’est hélas pas la première fois que de telles graves accusations sont formulées à l’encontre des forces armées nationales des trois pays incriminés”.

“Rien qu’en avril dernier, la division des droits de l’homme de la Minusma [la mission de l’ONU au Mali] accusait les militaires maliens et nigériens d’exactions contre des civils. Pas plus tard que vendredi dernier (5 juin), c’est l’association Tabital Pulaaku qui accusait les Fama (les forces armées maliennes) d’avoir perpétré des exactions au centre du Mali en incendiant un village peul et en tuant 29 de ses habitants. Même si, pour les autorités de Bamako, les auteurs du massacre n’ont pas été clairement identifiés.”

En tout cas, pointe encore L’Observateur Paalga, “ces accusations récurrentes non seulement discréditent et ternissent l’image de nos armées, qui doivent lutter contre l’hydre sans pour autant y perdre leur âme, mais en plus sont contre-productives, surtout quand elles sont dirigées contre une communauté dont les membres, dans le meilleur des cas, ne vont pas collaborer avec les forces de défense et, dans le pire des cas, peuvent passer à l’ennemi pour venger leurs proches.”

Victimes collatérales

“Le Sahel est aujourd’hui une sorte d’arène romaine ou les curées de part et d’autre sont sanglantes, soupire pour sa part le quotidien Aujourd’hui. S’il appartient aux forces de défense de faire le distinguo entre ennemis et simples populations, il est souvent difficile, sous la pression et les menaces prégnantes, de savoir qui est qui tant terroristes et populations de certaines localités sont en osmose.”

“Et il y a aussi le risque, à trop tirer sur la conscience des forces de défense, de leur saper le moral. Cela étant, il est de bon aloi qu’Amnesty International tire la sonnette d’alarme, car il n’y a pas de guerre sans victimes collatérales, surtout dans une guerre oblique, mais quand ces victimes collatérales deviennent nombreuses, il y a sûrement un problème.”

Frédéric Couteau
RFI – Paris
Source : Courrier international

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