Polémique – Guinée : la nouvelle Constitution a-t-elle été falsifiée ?

Très critiquée par l’opposition, qui a multiplié les manifestations, la nouvelle Constitution guinéenne a été adoptée par référendum en mars dernier. Mais le texte qui a été promulgué n’est pas le même que celui qui a été soumis au vote. Le barreau des avocats guinéens exige désormais son retrait.

“Ce texte est applicable et opposable à tous”, a insisté le ministre de la Justice guinéen Mohamed Lamine Fofana lors d’une déclaration jeudi 4 juin, rapportée par le site d’information Africa Guinée. Devant la presse, le gouvernement, par le biais du garde des Sceaux, s’est pour la première fois officiellement exprimé sur les accusations de falsification de la nouvelle Constitution, alors que la polémique enfle.

Tout est parti d’une tribune de Pépé Antoine Lama, un avocat guinéen, publiée une dizaine de jours avant l’intervention du ministre de la Justice. Le magistrat y révélait des différences de taille entre le texte soumis à référendum le 22 mars 2020 et la Constitution promulguée par le président de la République, Alpha Condé, et publié au Journal officiel le 14 avril suivant.

“Délinquance juridique”

 

Dans un tableau comparatif, le portail d’actualités guinéen Le Djely, qui a partagé la tribune de l’avocat, note les différences entre les deux lois fondamentales. Parmi ces différences, le texte actuel oblige tout candidat à l’élection présidentielle à appartenir à un parti politique, alors que le projet voté par référendum promettait la possibilité des candidatures indépendantes. Une autre modification porte sur la composition de la Cour constitutionnelle : dans le texte final, c’est le Conseil supérieur de la magistrature, instance d’État, qui désigne le magistrat devant siéger à la Cour, et non plus l’Association des magistrats, censée jouir de plus d’indépendance.

Précédant la déclaration du garde des Sceaux, le barreau de Guinée a dénoncé une “délinquance juridique” et exigé le retrait pur et simple du texte, tout en appelant la Cour constitutionnelle à prendre ses responsabilités pour le respect des principes essentiels de la démocratie, rapporte Guinée News :

Pour ces hommes de droit, l’acte est [trop] grave pour être traité comme un fait anodin. Et pour tout l’or du monde, ces robes noires ne voudraient pas jeter leur morale aux orties pour se mettre en cheville avec l’exécutif dans cette manœuvre.”

Un texte sur mesure pour un troisième mandat ?

 

Très controversé, le projet de nouvelle Constitution a provoqué des séries de manifestations émaillées de violences et d’affrontements avec les forces de l’ordre, causant des dizaines de morts depuis le mois d’octobre 2019. Les partis d’opposition et une partie de la société civile, qui ne reconnaissent pas la nouvelle loi fondamentale, soupçonnent le chef de l’État, Alpha Condé, à l’approche du terme de ses deux mandats en octobre prochain, de vouloir se présenter pour un troisième.

 

“En rayant d’un trait de plume certains alinéas de la Constitution votée par référendum, à dessein ou par omission, le pouvoir a commis une faute lourde, analyse le site du quotidien burkinabé Aujourd’hui au Faso. Pour l’opposition, ça ne peut être une erreur, pour qui tout ce forcing entre dans les plans du locataire de Sékoutouréya [nom du palais présidentiel]. Un chef d’État qui jusqu’à présent n’a pas encore clairement dit qu’il est candidat à une troisième levée, mais à qui la nouvelle Constitution le permet.”

Sidy Yansané

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