Netflix : « Notre objectif est d’aider les Africains à raconter leur incroyable histoire »

Responsable de la création pour l’Afrique subsaharienne, la Kényane Dorothy Ghettuba veut valoriser les talents du continent qu’elle estime « de classe internationale ».

Après Queen Sono, lancée fin février, Netflix propose à ses abonnés, depuis mercredi 20 mai, Blood and Water, sa deuxième série originale « 100 % africaine ». Depuis 2016, la plateforme américaine s’intéresse au continent.

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Cinq fictions sont actuellement en cours de production et Queen Sono aura même droit à une deuxième saison. Entretien avec la Kényane Dorothy Ghettuba, responsable des contenus originaux pour l’Afrique subsaharienne qui aborde la stratégie de Netflix dans cette partie du monde.

Quelle est l’ambition de Netflix en Afrique subsaharienne ?

 

Dorothy Ghettuba Notre objectif est d’aider les Africains à raconter leur incroyable histoire.

Et que signifie, pour vous, une histoire africaine ?

 

L’Afrique a toujours été dépeinte sous le même angle, comme un continent de souffrances. Mais nous pensons qu’il y a tant à raconter et que cela bien au-delà de cet aspect. Nous souhaitons mettre en avant des histoires optimistes, fascinantes, les meilleures. Et pour cela, nous voulons vraiment offrir un contenu varié et de différents types : de la série romantique de suspens comme Blood and Water aux films d’action, en passant par des thrillers ou de l’animation, telle Mama K’s Team 4, par exemple. Mais, surtout, nous voulons faire des comédies parce qu’on rit tous les jours en Afrique. Il y a tellement de choses que l’Afrique peut montrer au reste du monde.

Série d’animation « Mama K’s Team 4 », une création 100% africaine de Netflix.
Série d’animation « Mama K’s Team 4 », une création 100% africaine de Netflix. Netflix

Comment allez-vous réussir à raconter des histoires d’un continent aussi vaste et qui abrite tant de cultures différentes ?

 

Nous avons un réseau qui nous permet d’avoir les meilleurs scénaristes et des talents, partout en Afrique. Nous couvrons l’ensemble du continent, nous allons à la rencontre de toutes les cultures. Nous voulons donner à tous la possibilité de s’exprimer. Sans parler chiffres, nos budgets varient en fonction des scénarios. Si vous venez avec une bonne histoire, nous vous donnerons les moyens de bien la raconter.

Et qu’en est-il de la langue ? Comment travailler avec des partenaires qui parlent arabe, français, anglais, portugais, wolof, bambara, soninké, swahili…

 

Comme nous voulons raconter des histoires les plus proches de la réalité, nous encourageons chacun à parler dans sa langue maternelle et nous mettons toutes ces langues à l’antenne. Nous donnons aux gens la possibilité de créer de la façon la plus juste, dans la langue qui est pour eux la plus authentique.

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Nous travaillons étape par étape sur le continent. Nous avons commencé en Afrique du Sud, puis au Nigeria, et c’est un scoop, nous allons développer un projet au Kenya, c’est notre prochain pays.

Recevez-vous beaucoup de scripts ?

 

J’en reçois des centaines ! Des scripts, des pitchs, des propositions. Je vis à Amsterdam et mon travail est littéralement de trouver des scénaristes africains qui ont des histoires à raconter et les aider à les mettre à l’écran. Je me déplace sur le continent aussi et l’équipe chargée de l’Afrique est composée de quatre personnes, mais elle ne cesse de grandir.

Etes-vous totalement libre dans votre travail ou Netflix vous dit quoi faire ?

 

Nous avons la liberté de faire ce que nous voulons si nous pensons que c’est ce qu’il y a de mieux pour notre région. Et nous donnons aussi une liberté totale à nos scénaristes pour qu’ils racontent les histoires qu’ils veulent.

Votre objectif est-il de travailler uniquement avec des Africains ?

 

Oui, travailler avec des équipes 100 % africaines. Nous collaborons avec des talents locaux, nous y tenons : c’est l’un de nos grands paris. Nous avons de grands professionnels sur ce continent. Je veux que les scénaristes africains soient les meilleurs, même chose pour les directeurs de la photographie, les réalisateurs, les maquilleurs, les habilleurs…

Pour gagner des abonnés, allez-vous embaucher des superstars occidentales originaires du continent ou parier sur de nouveaux artistes ?

 

C’est capital pour nous de découvrir de nouveaux talents en Afrique. C’est ce que nous avons fait pour Blood and Water. Il y a une nouvelle génération d’actrices et d’acteurs qui arrivent et nous leur donnons la possibilité de s’affirmer à l’écran et derrière la caméra. Ils pourront ensuite continuer dans le monde de la télé et de la production. Nous sommes fiers de les faire grandir. Nos productions montrent que les talents locaux sont de classe internationale. Les gens vont voir de quoi est capable l’Afrique.

Quel est votre défi avec les productions africaines ? Qu’elles plaisent aux abonnés américains ou japonais ? Ont-elles été bien accueillies ailleurs dans le monde ?

 

Sincèrement, notre priorité est d’apporter de la joie à notre public local, pour nos abonnés en Afrique. Après, si le reste du monde apprécie, c’est un bonus et nous en sommes ravis. Mais nous sommes concentrés sur nos abonnés locaux. C’est d’abord du contenu africain pour l’Afrique et après du contenu africain pour le reste du monde.

Dans vos séries « Queen Sono » et « Blood and Water », les actrices ont les premiers rôles. La promotion des droits des femmes est-elle importante dans vos productions ?

 

L’inclusion est un sujet capital pour Netflix. Quand nous produisons, nous souhaitons des histoires de femmes racontées par des femmes. Nous voulons être cette plateforme qui met en avant les talents féminins. Donc oui, nous encourageons les scénaristes femmes et les réalisatrices. Blood and Water est dirigée par Nosipho Dumisa : elle est jeune et a une incroyable force de création. Nous en sommes très fiers.

Netflix

Lorsqu’on regarde vos séries africaines, le montage, la réalisation, la couleur, les plans ressemblent beaucoup aux standards américains. Où est la touche africaine ?

 

Ce que nous voulons, c’est la meilleure qualité de production possible. Dans le cas de Queen Sono, cette série a été écrite par des Africains, et le résultat est exceptionnel. Si vous parlez de standards américains, alors oui, nous, les Africains, nous pouvons raconter nos histoires avec une grande qualité de production menée sur le continent, et ça, c’est magnifique.

 

 

Mustapha Kessous

 

 

Source : Le Monde (Le 21 mai 2020)

 

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