Fonds de solidarité Covid19 : les oubliés de la République

Suite aux premiers cas de Coronavirus détectés en Mauritanie, les autorités ont pris des mesures exceptionnelles, telles que la limitation de la circulation des personnes, de la liberté de commerce, ainsi que la fermeture des marchés, des restaurants et des petits commerces, le tout chapeauté par un couvre feu de 18h du soir à 6h du matin.

Ces mesures jugées nécessaires par les autorités politico-sanitaires, ont considérablement affecté le secteur de l’économie.

Pour limiter les conséquences socio-économiques, le président de la république a lancé un fonds de solidarité doté d’un budget initial de 25 milliards d’anciens ouguiyas dont les 5 milliards affectés à 30.000 familles vulnérables.

 

Pourtant selon les chiffres de l’Office Nationale des Statistiques, on compte en Mauritanie, plus de 300.000 personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté.

Ainsi la prise en charge « que » de 30.000 familles comme annoncé par le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a laissé sur le carreau plus de 90% des populations précaires.

Ces oubliés de la République sont de plus en plus nombreux à vouloir se faire entendre. Car leur situation s’est davantage détériorée avec la fermeture des marchés et l’instauration du couvre-feu.

Beaucoup d’entre ces pauvres qui vivaient de petits boulots ou de la revente dans les marchés, se sont retrouvés au chômage sans aucun filet de secours.

Malgré les opérations de distributions organisées par l’état, certains de ces précaires – pour ne pas dire beaucoup d’entre eux – sont passés entre les mailles du filet de la solidarité gouvernementale.

 

Ces silhouettes qu’on feint de ne pas voir, entassé dans des habitations précaires, font la nique à la communication politique. Au-delà des statistiques, ces oubliés de la République ont des noms, des visages, des trajectoires de vie et surtout une histoire.

La pudeur et la dignité qui est la leur cache des angoisses qu’ils ne veulent étaler.

Qu’il s’agisse de Djibril Ould Mahmoud, de Ndeye Faye, de Kadiatad’Aichetou Mint Brahim,  les témoignages sont unanimes, ils ne comptent pas!

S’ils portent en eux les stigmates de la misère et le poids d’une fatalité à laquelle ils semblent ne pouvoir échapper, la bravoure et la dignité ne les ont pas quitté. Ils ne rêvent pas de sortir de la précarité, non, ils s’activent au ardemment pour améliorer leur quotidien.

 

 

Kadiata maman de 5 enfants témoigne sur la précarité. Crédit photo: Lamine Sy
Kadiata maman de 5 enfants témoigne sur la précarité. Crédit photo: Lamine Sy

Kadiata la blanchisseuse à domicile ne travaille pas en cette période de limitation des interactions sociales et de couvre-feu.

Mère de 5 enfants son mari malade ne travaille pas. Elle dénonce par ailleurs les conditions de recensement des familles qui ont bénéficier de l’aide du gouvernement et s’insurge contre le détournement de cette aide par certains intermédiaires.

Kadiata fonde son espoir sur son aîné de 18 ans qui est au lycée. Mais faute d’état civil, son investissement risque de s’enliser  dans la lourdeur administrative entourant un recensement qui a perdu toute humanité.

 

Djibril Ould Mahmoud, amputé des doigts de la main et sans aides. Crédit photo: Lamine Suc
Djibril Ould Mahmoud, amputé des doigts de la main et sans aides. Crédit photo: Lamine Sy

Djibril Ould Mahmoud victime d’un accident du travail se retrouve au chômage, sans indemnité ni accompagnement social.

 

Malgré la précarité de sa situation, il affirme n’avoir reçu aucun soutien des autorités. Des dons alimentaires venant de l’Etat, il n’a absolument rien obtenu. Pourtant le quinquagénaire ne se plein pas. Il a foi en Dieu et s’en remet à la générosité de jeunes donateurs venus soulager sa peine.

 

Parmi ces oubliés de la république qu’en est il des réfugiés mauritaniens en cette période de pandémie et de soudure qui pointe à l’horizon?

Qu’en est il des mauritaniens bloqués par les autorités à nos frontières, leur refusant assistance et secours?

Cependant il n’est jamais trop tard pour que le gouvernement rectifie le tir pour donner  sens à la république et à nos valeurs.

 

Car comme le rappelait Jean Bédard, la grande pauvreté est une maladie du lien social de solidarité, elle résulte de l’illusion que la cité peut s’en sortir malgré l’injustice faite à « quelques individus ». Dans cette maladie, tout se passe comme si le sacrifice d’une personne n’avait pas d’effet sur l’ensemble. Peu importe que la coque du navire se fende à un endroit, pourvu que les mieux nantis s’en sortent. C’est une pure illusion, car le luxe d’une cabine n’apporte aucune sécurité si la coque est brisée.

Alors ne les laissons pas à la berge, car la République ne doit oublier aucun de ses fils au nom de notre devise : Honneur, Fraternité et Justice.

kassataya

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