Mythes et réalité autour de la cola : Plus qu’un fruit, un produit sacré dans la société malienne

Depuis très longtemps, la kola est utilisée dans la société malienne. Elle est consommée par tout le monde, mais particulièrement par les personnes âgées. En plus du rôle essentiel qu’elle joue dans la culture et dans les relations sociales, on lui prête aussi des vertus nutritives. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré un médecin généraliste, un griot, un traditionnaliste et des vendeurs de kola. Des interlocuteurs divers et qui s’abreuvent à des sources différentes.  

La noix de kola ou cola (ou encore kola) est la graine d’arbres du genre Cola, nommés génériquement colatier (ou kolatier), représentés principalement par le Cola nitida et le Cola acuminata. Selon Wikipédia, étymologiquement, le terme de cola a été emprunté à un dialecte d’Afrique de l’Ouest, le temné, parlé en Sierra Leone et au Liberia où la noix de kola se dit kla, gola ou kola.

Pour son orthographe, on retrouve deux formes de son écriture, toutes valides en français : cola et kola (ou de même colatier et kolatier). Et on emploie indifféremment le masculin et le féminin.

Rappelons que, dans son Journal d’un voyage à Tombouctou, René Caillié fait un témoignage vivant de l’importance des noix de cola tant dans le commerce nord-sud que dans les échanges sociaux. Parti en mars 1827, des côtes de la Guinée vers l’est, il fait un détour pour des raisons de sécurité par Tiémén (nord de l’actuelle Côte d’Ivoire) où il croise les routes du cola. Dans un village de Mandingues musulmans, il observe que “les habitants se bornent entièrement au commerce ; ils vont à quelques journées dans le sud, acheter des noix de cola, qu’ils portent à Djenné [dans le delta intérieur du Niger, actuel Mali], et qu’ils échangent pour du sel : ce commerce est peu lucratif, car ces voyages sont très longs et pénibles” (Journal Vol.1, p. 466).

“Âcres, désagréables au goût et les Noirs seuls les mangent”

La production de kola a connu une forte croissance au XXe siècle. Chevalier et Perrot estime à 20 000 tonnes la production de kola en 1910. En 1955, la seule Côte d’Ivoire exporte 20 000 tonnes de kola au Mali. Puis le sud du Nigeria devient le plus gros producteur de kola. En 1957, il fournissait 110 000 tonnes au nord Nigeria.

La kola fut exportée jusqu’au Maroc dès le XIIIe siècle. L’historien arabe Shihab al-Umari (en) (1300-1349) dit des kolas qu’elles sont “âcres, désagréables au goût et les Noirs seuls les mangent”. À partir du XVIe siècle, les noix de kola furent incorporées dans la matière médicale dans la médecine islamique et furent importées à ce titre en petites quantités.

Les marins Portugais prirent connaissance de la kola dès les années 1460, quand ils abordèrent au Sierra Leone. Au XVIe siècle, les commerçants Portugais fortement impliqués dans le commerce côtier, en ont très probablement transporté vers la Gambie et le Sénégal.

Cadeau symbolique à l’occasion des grands événements

Fruit importé au Mali, la kola fait partie de la culture malienne, tant comme produit agricole de consommation que comme cadeau symbolique à offrir à l’occasion de grands événements. De couleur violette, rose ou blanche, selon Zan Sidibé, revendeur de kola depuis plus de 30 ans au marché du Rail, son goût unique se caractérise par une saveur amère très prisée. Elle se consomme à toute heure de la journée ou de la nuit.

“Aujourd’hui, les gens ont tendance à remplacer les paniers de kola par les sacs de sel lors des cérémonies de fiançailles soi-disant que c’est cher. C’est pourquoi les mariages d’aujourd’hui ne perdurent pas parce que cela n’est pas de notre coutume et la noix de kola signifie que le couple est scellé pour la vie, seule la mort sépare les deux parties.

Il y a plusieurs types de kola. Pour sa conservation, la kola n’aime que la fraîcheur naturelle et non le congélateur. Il faut que les autorités cherchent à savoir ce qu’est la kola. Les femmes aussi, si elles veulent que les mariages de leurs enfants perdurent et qu’il y ait l’entente dans les foyers parce que la kola est quelque chose de bénie”, déclare Zan Sidibé.

“La kola joue un rôle essentiel dans notre société”

La kola est utilisée dans les évènements heureux au Mali, selon Faraba Camara, vendeur au marché de Lafiabougou, qui souligne aussi le rôle social que joue la kola : “La kola vient de la Guinée-Conakry et de la Côte d’Ivoire. Au vu, il n’y a pas de différence. C’est seulement en mâchant qu’on voit la différence. En cette période de grande chaleur, on a un problème de conservation.

La kola n’aime pas la chaleur. La conservation est très difficile à conserver pendant les deux premières semaines qui suivent la récolte. Cette période trouve que c’est tout neuf, sinon après ce temps, elle est conservable jusqu’à 08 mois. La kola joue un rôle essentiel dans notre société. Par exemple, quand on part saluer une personne âgée, on lui apporte des noix de kola en signe de respect et de considération. Le prix du kilo oscille entre 1000 Fcfa à 1500 Fcfa. La cherté dépend de la période, du dédouanement et des taxes qu’on paye. Parfois, il y en a beaucoup et des fois la kola se fait rare’‘, a signalé Faraba Camara, vendeur de cola au marché de Lafiabougou.

“Cela donne une bonne haleine”

Madina Camara, âgée d’une soixantaine d’années, pense qu’à cause de son côté stimulant, la kola nous éloigne de la fatigue et même de la faim. “La kola permet aussi aux femmes enceintes de ne pas avoir de nausées et au contraire de se retrouver avec de l’appétit. Il faut avoir un morceau de cola dans la bouche à tout moment. Cela donne une bonne haleine”, explique Madina Camara.

“Au village, après avoir donné à manger et à boire à un étranger ou une étrangère, la kola lui est directement tendue pour bien l’accueillir”, martèle Founèkè Diabaté, griot, avant de poursuivre : “Pour qu’un jeune, en cas d’erreur ou de faute grave, se fasse excuser auprès d’une personne d’âge supérieur, il se présente avec quelques noix de kola et reconnait sa faute. Il est facilement pardonné. Quand on avait besoin d’un terrain au village pour y habiter ou y cultiver, il suffisait de se présenter au chef de village et de ses conseillers avec quelques noix de kola pour être satisfait”.

 “La Kola montre la voie, elle dévoile les choses cachées”

Pour Issa Sangaré, chasseur et guérisseur, la kola fait partie du social des Maliens. “Chez nous les chasseurs, la kola montre la voie, elle dévoile les choses cachées. Tout dépend de l’intention qu’on dit sur la kola. Avant d’entamer quelque chose, quand on jette les deux parties de la noix de kola et que ça tombe étant ouvertes, cela signifie que c’est positif, c’est une bonne chose. Par contre, quand ça tombe étant fermées, c’est un signe négatif, une mauvaise chose. Quand une partie est fermée et l’autre ouverte, cela veut dire que la chose peut réussir, mais qu’on sera confronté à des difficultés”, a-t-il indiqué, avant d’ajouter : “On fait des sacrifices sur les fétiches avec la kola. Elle est très importante pour nous chasseurs et un chasseur ne va jamais en brousse sans kola. Il y a différents types de kolas et aucune d’elle n’est utilisée par hasard car tout a une signification. La kola blanche c’est pour la chance. “Dimitô woro”, c’est-à-dire la kola du malheureux, quand on est malheureux, on frotte tout son corps avec et la sacrifie. Il y a “yèlè woro” pour dire kola du sourire. On sacrifie ça pour le bonheur. “Sokun woro” c’est pour le pouvoir, la royauté, etc, a clarifié Issa Sangaré, chasseur et guérisseur.

“La kola contient de la caféine qui agit comme un stimulant sur  le système nerveux”

Quel est le point de vue des spécialistes de la santé ? Un médecin généraliste souligne que la kola contient de la caféine qui agit comme un stimulant sur le système nerveux. Selon lui, la prise modérée de la kola comme excitant physique et psychique convient aux intellectuels et aux sportifs. Par ailleurs, il déconseille le produit aux personnes souffrant d’ulcère gastrique, de palpitation et de tension artérielle.

Pour conclure, il dira que la consommation abusive de la kola par les femmes enceintes peut nuire au développement de leurs bébés.       

           

 

Marie DEMBELE

Source : Maliweb (Le 11 avril 2020)

 

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