Coronavirus : l’ONU cherche 2 milliards de dollars pour les pays les plus vulnérables

Sans une aide humanitaire d’urgence, surtout à destination de l’Afrique, l’Organisation des Nations unies craint que le virus ne devienne incontrôlable et tue des millions de personnes.

C’est dans une course contre la montre que l’ONU s’est lancée pour aider les pays les plus vulnérables à faire face à la propagation galopante du coronavirus. L’organisation a émis, mercredi 25 mars, un appel à réunir en urgence 2 milliards de dollars (1,85 milliard d’euros) pour financer une aide humanitaire pour les neuf prochains mois dans les 54 pays les plus à risques, qu’ils soient en proie aux conflits ou à une crise humanitaire. Ces Etats sont aussi ceux qui disposent des systèmes de santé les plus fragiles, dont une majorité de pays africains, faisant craindre à l’ONU un véritable cataclysme.

Alors que l’Afrique est pour l’instant relativement épargnée par l’épidémie – 2 300 cas de covid-19 et 67 décès –, les officiels onusiens ne se font guère d’illusions sur le risque d’une explosion des cas et des victimes dans les prochaines semaines. « Quand on voit comment les pays développés sont submergés par cette crise, on peut facilement imaginer ce que cela sera dans les pays les plus vulnérables », prévient Mark Lowcock, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires dans un entretien au Monde.

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Dans son rapport présenté à New York, l’ONU s’inquiète des graves défaillances des systèmes de santé publique. La Centrafrique serait l’un des pays le moins préparé avec uniquement 3 kits de ventilation et un seul concentrateur d’oxygène. Le Tchad ne disposerait que de six lits de réanimation et d’un seul respirateur pour une population totale de 15 millions d’habitants. A Gaza, l’une des régions la plus densément peuplée dans le monde, la distanciation sociale prônée par l’OMS risque de s’avérer compliquée. La Cisjordanie voisine compte, elle, déjà 62 cas identifiés de Covid-19 et dispose de moins d’un mois de stock de médicaments.

L’organisation souligne aussi combien ces pays sont dépendants d’une aide alimentaire dont la distribution est aujourd’hui compliquée par l’annulation de nombreux vols commerciaux et les fermetures de frontières.

D’autres épidémies, comme le choléra ou la rougeole

 

Les attaques contre les hôpitaux, contre les soignants et les travailleurs humanitaires ont par ailleurs durement fragilisé les systèmes de santé en Syrie, en Afghanistan, au Yémen, en Libye, à Gaza, au Nigeria et au Burkina Faso. « Pour certains, ce sont des pays qui font déjà face à des épidémies comme le choléra, la méningite ou la rougeole. Les populations sont sous-alimentées et fragilisées par des pathologies sous-jacentes. Les risques sont immenses », s’alarme M. Lowcock. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a d’ailleurs lancé un appel à un cessez-le-feu global pour se concentrer sur le seul ennemi actuel : le Covid-19.

L’Iran, particulièrement touché par le coronavirus, qui a fait 2 077 victimes (et compte plus de 27 000 cas), doit bénéficier de cette aide humanitaire alors que le pays est sous sanctions. De nombreuses voix officielles – de M. Guterres qui, dans une lettre aux dirigeants du G20, souligne que « la période impose de la solidarité et non de l’exclusion » à la haute-commissaire aux droits humains, Michelle Bachelet – s’élèvent pour demander la levée des sanctions pour mieux combattre la pandémie en Iran mais aussi à Cuba, au Venezuela ou en Corée du Nord.

« Les Etats membres doivent regarder au-delà de leurs frontières », Mark Lowcock, secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires

 

Ces 2 milliards de dollars ne seront qu’une goutte d’eau dans l’océan des problèmes à venir. « Ce ne sera pas suffisant. Mais cela devrait permettre dans un premier temps de livrer des tests, du matériel de protection, des points d’eau pour se laver les mains, de mettre en place des campagnes d’information et un pont aérien pour déplacer les soignants et les ressources nécessaires dans les pays qui en ont le plus besoin », souligne M. Lowcock.

Cet appel à l’aide ne doit pas « supplanter l’aide déjà promise », conjure l’organisation, qui avait déjà demandé en décembre 2019 un paquet financier de 28,7 milliards de dollars, un niveau historique.

Dans un contexte économique gravement fragilisé par la pandémie, de nombreux pays donateurs devraient toutefois rentrer en récession. « Il est normal que les Etats membres s’occupent de leur propre population, concède Mark Lowcock, mais ils doivent regarder au-delà de leurs frontières. » Le manque de solidarité pourrait, par ricochet, se retourner contre eux, prévient le fonctionnaire de l’ONU : « Sans aide d’urgence aux pays les plus vulnérables, le virus va continuer à faire le tour du monde et continuera à être une menace mondiale. »

 

Marie Bourreau

(Genève, correspondance)

Source : Le Monde

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