La lecture, le meilleur vaccin pour combattre l’ennui et le confinement

Pour ne pas devenir fou à tourner en rond chez soi, je ne connais pas de meilleur remède que la lecture.

On ne va pas se mentir, les semaines, les mois à venir vont être compliqués à gérer. Entre confinement, promiscuité forcée, apprentissage de nouveaux modes de vie, nos existences vont connaître des hauts et des bas, des moments de solitude et de découragement; la désespérance feutrée face à un avenir dont nul ne peut encore prédire ce qu’il nous réserve.

Sans dramatiser à outrance, nous sentons bien que depuis quelques jours nos vies ont basculé dans une sorte de zone grise où si nous percevons encore de loin les ravages de la maladie et ses conséquences funestes, nous nous retrouvons confrontés à des défis inédits, une sorte de mise à l’épreuve qui risque d’entamer notre joie de vivre, nos modes de consommation, notre façon même d’être au monde.

Chacun réagira selon sa sensibilité, son tempérament, son éducation, son environnement. Chacun essaiera d’apporter ses propres réponses face à cet isolement qui nous apparaît aujourd’hui comme une obscénité, un scandale, une sorte de mirage dont les contours flous nous laissent un peu désarmés, d’autant plus amers que notre seule manière de combattre cet ennemi invisible est de rester calfeutré chez soi, comme une pénitence dont nous serions les premières victimes.

Pourtant plongés dans ce marasme annoncé, il nous faut essayer de garder la tête froide et nous prévenir des conséquences d’un ennui qui trop prononcé finirait par ébranler les fondements même de notre être. L’ennui, voilà l’ennemi! L’ennui qui est un alanguissement de l’âme, une sorte de torpeur métaphysique qui nous étreint tout entier, un dégoût de tout, un affadissement comme une sorte d’adieu au monde quand nous restons là désœuvrés, hagards, sans envie, pris au piège d’une vie terne et triste comme un dimanche de pluie.

Face à cet ennui, à cette lente agonie où l’âme se morfond et s’apitoie sur elle-même, je ne connais pas de meilleur remède que la lecture. La lecture qui est comme un oubli et une renaissance, le plus puissant des narcotiques capables de transcender la réalité au point de l’oublier tout à fait. Une porte ouverte vers l’infini des mondes où chaque page est un voyage, chaque chapitre un songe, chaque paragraphe un enchantement.

Rien ne résiste à la lecture.

Quand nous lisons, nous sommes hors du monde. Le temps se fait silence, le silence se fait prière et dans cet abandon de nous-mêmes, nous nous sentons revivre comme si les mots respiraient l’ivresse même de nos rêves d’enfants. Nous nous calfeutrons à l’intérieur des pages comme des voyageurs surpris par une pluie soudaine et pendant qu’au-dehors tonnent les orages et les averses de grêle, nous demeurons bien au sec, enfouis sous les chaudes couvertures d’une histoire dont chaque épisode agit sur nous comme un baume consolateur à même d’attendrir nos chagrins et nos écœurements les plus tenaces.

Avec un livre, le confinement n’existe plus, c’est juste un leurre, le plus grand des mensonges. Nous ne sommes prisonniers de rien puisqu’il suffit d’ouvrir les pages d’un roman pour nous évader de tout. Que peut donc un virus face à la puissance d’évocation d’un livre? Quel est son pouvoir de nuisance face à un tel ennemi qui en l’espace d’une page est capable de vous transporter dans les royaumes enchantés de l’imaginaire, là où se nouent les intrigues les plus colossales ou les plus intimes, au plus proche de la vérité de l’homme?

Aucun virus n’est jamais venu à bout de la littérature.

Lisez. Lisez tout et n’importe quoi. Lisez à en perdre la raison. Lisez pour ne pas devenir fou. Lisez pour vous instruire. Lisez pour vous divertir. Lisez pour mieux rêver. Lisez comme d’autres prient ou respirent. Lisez pour vous moquer de ce virus qui entend vous mettre à genoux. Lisez pour vous aérer l’esprit. Lisez pour ne pas mourir. Lisez jusqu’à l’ivresse. Lisez sans vous soucier de rien, loin des bilans et des experts, des hôpitaux saturés et des morts à venir. Lisez et voyagez sans avoir besoin d’aucun laissez-passer délivré par le ministère de l’Intérieur.

Lisez, lisez encore, lisez toujours.

Lisez dans votre salle de bains, sur votre balcon, au fond de votre lit.

Lisez et triomphez de la pesanteur du temps, de l’ennui du confinement, de la privation de liberté.

Lisez: c’est à ce jour le meilleur vaccin pour combattre le coronavirus.

Laurent Sagalovitsch

Source : Slate (France)

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