
La course contre la montre, face à l’expansion du coronavirus, nécessite de l’agilité et de la réactivité. Une conférence extraordinaire des pays du G7 sera organisée lundi 16 mars par visioconférence. Donald Trump, dont le pays préside ce format actuellement, a donné son accord à cette initiative de la France vendredi, lors d’un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron. Le président français passe une bonne partie de ces journées de crise au téléphone. C’est par visioconférence que s’est aussi tenu, le 10 mars, un Conseil européen exceptionnel au sujet du coronavirus. Une autre idée française, souligne-t-on à l’Elysée.
La diplomatie à l’heure du coronavirus ressemble à de la navigation à vue. Faute d’instruments de prédiction fiables, le principe de précaution s’applique et les administrations s’adaptent, au jour le jour. « Nous sommes en phase de gestion de crise, avec une évaluation et un ajustement quotidiens des actions mises en place, explique un conseiller à l’Elysée. Cela nécessite de prioriser les dossiers. Le président tient à ce que le coronavirus soit mis au menu des sommets multilatéraux et que ce sujet soit pris à bras-le-corps au niveau européen. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne porte pas une attention continue aux autres grandes questions ou crises internationales. » Le coronavirus va ainsi faire une entrée en force dans les réunions préparatoires au G7, prévu à Camp David (Etats-Unis) début juin, puis au G20, qui doit se tenir en novembre en Arabie saoudite. Si ces rendez-vous ont bien lieu…
Mise en place d’une task force
L’épidémie et ses conséquences phagocytent le temps disponible pour les affaires du monde. Mais les convulsions du Moyen-Orient ou la confrontation actuelle entre producteurs de pétrole ne sont pas devenues pour autant accessoires. Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait annoncé avec trop d’empressement qu’il accueillerait à Istanbul, le 17 mars, Emmanuel Macron, la chancelière Angela Merkel et peut-être le premier ministre britannique Boris Johnson. Mais côté européen, on a renoncé à ce déplacement, en privilégiant là aussi la visioconférence. Moins à cause du coronavirus que de la possibilité d’obtenir des résultats palpables, au sujet de la crise migratoire et de la situation désastreuse dans la région syrienne d’Idlib. « Il ne s’agit pas de se voir pour se voir », résume-t-on à l’Elysée.
De son côté, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu en visite de travail en Algérie, le 12 mars. La nécessité d’entretenir une relation étroite avec Abdelmadjid Tebboune, le nouveau président, a été jugée prioritaire pour les relations bilatérales mais aussi pour le traitement des crises régionales, comme la Libye. En revanche, des réunions préparatoires pour le « Paris Food Forum », colloque sur la gastronomie et l’alimentation prévu début juin à Paris à l’initiative du président de la République, ont été annulées.
Au Quai d’Orsay, on affiche une volonté d’assurer la continuité du service public. Cette semaine, une note a informé les chefs de poste diplomatique et de consulat à l’étranger qu’ils devaient annuler leurs congés et leurs formations éventuelles, pendant les semaines à venir.
A la mi-février, une task force spéciale, consacrée au coronavirus, a été mise en place, adossée au centre de crise du ministère. Elle est dirigée par Axel Cruau, ancien consul général à Shanghaï. Il lui revient, grâce aux agents déployés dans le monde, de mesurer l’évolution de l’épidémie, de transmettre les consignes et de traiter les problèmes de rapatriement. Les derniers passagers français du bateau de croisière Diamond Princess sont sortis de l’hôpital jeudi. Il a fallu aussi s’occuper de ressortissants bloqués dans des hôtels, comme les équipes cyclistes Cofidis et Groupama-FDJ, confinés à Abou Dhabi.
Passage à la diplomatie numérique
La France étant considérée comme un foyer de l’épidémie, les capacités d’action s’en trouvent limitées. Au total, une cinquantaine de pays ont annoncé des mesures restrictives – allant de l’interdiction d’entrée sur leur territoire, comme Israël ou les Etats-Unis, à un contrôle sanitaire ou la mise en quarantaine – à l’endroit des arrivants français, diplomates ou non. Ces circonstances exceptionnelles accélèrent le passage à la diplomatie numérique. La réunion du G7 au niveau ministériel, prévue à Pittsburgh les 25 et 26 mars, aura lieu ainsi par visioconférence.
A Paris, le projet de loi sur l’aide publique au développement, prévue le 18 mars en conseil des ministres, est pour l’instant maintenu. Les plans de continuité et d’activité sont mis en place. Les postes ne nécessitant pas la présence physique des agents au Quai d’Orsay sont concernés par le télétravail. En revanche, l’accès au réseau comportant la classification « confidentiel défense » n’est pas possible sur des ordinateurs de maison classique. Les réunions ont été réduites en format et en nombre, une chaise sur deux étant laissée vide. Celle du cabinet, réunissant chaque jour les conseillers autour du ministre, a été transférée dans la chambre du roi, une salle plus vaste au Quai où la distance d’un mètre entre les participants peut être aisément respectée.
La crise sanitaire survient à une période où Emmanuel Macron avait concentré son activité sur les questions nationales, à l’approche des élections municipales. En revanche, l’agenda international des prochains mois risque d’être bouleversé. Le sommet UE-Balkans occidentaux prévu à Zagreb du 5 au 7 mai, le sommet Afrique-France à Bordeaux début juin, le Congrès mondial de la nature à Marseille à la mi-juin et le Forum Génération Egalité à Paris, début juillet, sont autant de rendez-vous au sort incertain. Mais les équipes chargées de leur préparation poursuivent leurs travaux, comme si le retour à un semblant de normalité était possible d’ici là.
Concernant les déplacements d’Emmanuel Macron, même incertitude. Le président français est notamment attendu sur la place Rouge, le 9 mai, pour le défilé grandiose prévu à l’occasion du 75e anniversaire de la fin de la « grande guerre patriotique » contre les nazis. « Pour le moment », a précisé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, le format de l’événement n’est pas remis en cause.
Piotr Smolar
Source : Le Monde
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com