SCIENCE – Les symptômes du coronavirus sont banals et c’est bien ça le problème

Fièvre et toux sont des symptômes assez classiques, même chez les personnes gravement atteintes. De quoi compliquer la tâche des autorités de santé qui cherchent à endiguer l’épidémie.

SANTÉ – Plus de peur que de mal. La vingtaine de Français rapatriés de Chine qui présentaient des “symptômes” n’ont finalement pas contacté le nouveau coronavirus 2019-nCov, a annoncé le ministère de la Santé ce lundi 3 février.

Les passagers soupçonnés d’avoir contacté ce nouveau virus, qui a sûrement émergé via des infections par des animaux contaminés dans un marché de Wuhan, avaient “plutôt des rhumes”. Deux tests lors du premier rapatriement s’étaient également avérés être négatifs quelques jours plus tôt.

Logique: les effets de ce coronavirus, en dehors des complications graves qui ont entraîné la mort d’au moins 362 personnes, sont très classiques. Il y a donc énormément de chances, à symptômes égaux, d’être atteint d’un mal très courant. C’est pourquoi il est nécessaire de réaliser un test particulier pour dépister le virus 2019-nCov. De quoi compliquer la tâche des institutions de santé, qui s’interrogent pas ailleurs sur… l’absence de symptômes.

Symptômes (trop) courants

 

“Les symptômes principaux sont la fièvre ainsi que d’autres manifestations respiratoires, comme la toux par exemple”, explique au HuffPost Olivier Terrier, chercheur CNRS et Inserm au Centre international de recherche en infectiologie.

Problème: “ces symptômes sont similaires à ceux qu’on observe généralement pour une grippe ou d’autres infections respiratoires, il n’y a pas de symptômes connus pour être spécifiques à une infection par le coronavirus 2019-nCov”, précise-t-il.

Une étude publiée dans le Lancet le 30 janvier a examiné en détail l’état de santé de 99 Chinois parmi les premiers touchés par le coronavirus. C’est l’analyse la plus complète publiée dans une revue scientifique actuellement, mais elle se concentre certainement sur les cas les plus graves, nécessitant une hospitalisation.

Le résultat est plutôt conforme à ce que l’on attend: 83% des patients avaient de la fièvre et 82% toussaient. 31% avaient du mal à respirer, et environ un sur dix a signalé des douleurs musculaires, de la confusion ou des maux de tête.

“Des cas de détresse respiratoires et d’insuffisance rénale ont été décrits dans les cas les plus graves, ce sont des symptômes que l’on rencontre également dans les formes graves d’autres infections”, explique Olivier Terrier.

Les cas “doux” à double tranchant

 

Si les cas graves sont plutôt répertoriés, la grande incertitude concerne justement les patients pour lesquels le coronavirus 2019-nCov a un effet moins fort. “Les données indiquent qu’il existerait beaucoup de formes plus légères de l’infection, avec des symptômes moindres”, précise Olivier Terrier.

Tout cela est encore embryonnaire et il faudra attendre quelques jours ou semaines pour avoir plus d’informations. Mais si cela se confirme, il y a deux conséquences. La première est positive: le taux de mortalité temporaire qui est régulièrement communiqué, situé entre 3% et 2%, pourrait drastiquement baisser.

Car qui dit cas légers dit pas de passage à l’hôpital ou au médecin. Et donc cas indétectés. Ainsi, dans une étude publiée le 31 janvier dans Lancet, des chercheurs estiment que 75.815 personnes étaient infectées par le coronavirus le 25 janvier. À cette date, l’OMS avait confirmé 41 morts pour 1320 cas, soit un taux de mortalité de 3,1%. Mais s’il y avait finalement 75.815 contaminés, le taux de mortalité serait de 0,05%.

Attention à ne pas crier victoire trop vite: si le nombre de cas est sous-estimé, le nombre de décès pourrait l’être également. De manière générale, il est très difficile d’estimer le taux de mortalité d’une maladie infectieuse.

Il y a évidemment un revers à la médaille. Si des personnes sont touchées par le virus, mais ne sont pas très malades, elles risquent alors de plus facilement répandre le coronavirus.

Interrogé par Stat, Mike Ryan, directeur du programme d’urgences sanitaires à l’OMS, rappelle qu’un “virus relativement bénin peut causer plus de dégâts, car plus de personnes pourraient l’attraper”.

Le risque asymptomatique

 

Exemple: si l’épidémie de Sras a été enrayée relativement vite, malgré un retard à l’allumage du gouvernement chinois, c’est justement car les malades étaient visibles et bien encadrés, car ils avaient tous des symptômes assez importants. “La détection et l’isolement de tels cas [peu symptomatiques, NDLR] représenteront un défi majeur”, estiment-ils.

Dans une analyse, des chercheurs de l’Imperial College de Londres rappellent que ces cas de personnes infectieux, mais avec des symptômes légers, n’existaient pas vraiment lors de l’épidémie du coronavirus Sras, venu lui aussi de Chine en 2003.

Et il y a une autre possibilité qui fait craindre que les mesures de quarantaine et de vérification aux frontières ne soient pas efficaces: certains patients pourraient être contagieux tout en étant totalement asymptomatiques.

Ainsi, le New England Journal of Medicine a publié le 30 janvier une étude évoquant une transmission du coronavirus 2019-nCov après un contact asymptomatique. En clair: une femme chinoise est venue en Allemagne et a participé à une réunion avec un Allemand alors qu’elle ne présentait pas de symptômes. Une fois dans l’avion seulement, elle s’est sentie malade. Quelques jours après, l’Allemand avec qui elle avait eu une réunion a été testé positif au nouveau coronavirus, de même que deux personnes n’ayant jamais vue la femme chinoise.

Pas ou peu de symptômes, telle est la question

 

Pour autant, il ne faut encore une fois pas tirer de conclusion hâtive. Le chercheur spécialiste des maladies infectueuses Isaac Bogoch se demande sur Twitter à quel point la femme chinoise était asymptomatique. Si les symptômes sont parfois proches d’un rhume, peut-être ne l’a-t-elle pas notifié?

Mike Ryan explique également que les données de l’OMS suggèrent que les personnes qualifiés d’asymptomatiques avaient en réalité des symptômes, mais peut-être plus faible.

Dans tous les cas, il y a de fortes chances que même si ces contaminations asymptomatiques existent, elles soient très faibles. Si rien n’est encore sûr avec 2019-nCov, “la littérature scientifique montre qu’il existe une corrélation entre importance des symptômes et transmission du virus influenza, responsable de la grippe”, rappelle Olivier Terrier.

Pour l’instant, ce que l’on sait, c’est que “le vecteur principal d’infection du coronavirus, ce sont les personnes avec des symptômes”, affirme Mike Ryan.

Grégory Rozières

Source : HuffPost

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