« C’est mieux que si ça avait été pire »/ Par Tijane Bal

Qui, à l’occasion d’une hospitalisation à l’étranger, n’a éprouvé des sentiments mêlés de soulagement et de culpabilité ?

La fracture médicale est l’une des inégalités les plus intolérables en Afrique. Elle a à voir avec la vie et la mort. L’illustration est anecdotique mais il suffit de penser à nombre de nos dirigeants qui décèdent hors du continent. La liste en serait longue.

Ce destin transcende d’ailleurs les clivages habituels. Il n’est pas rare par exemple de voir des anti-occidentaux virulents oublieux de ce sentiment le temps de recouvrer la santé. Bien qu’ils le soient plus ou moins, l’Afrique et surtout les Africains sont malades de leur «médecine ».

Au point que l’évacuation médicale y fait figure d’arme politique. Par essence, nos médecins ne sont pas moins performants que leurs confrères d’ailleurs. Ils finissent, malgré eux, par le devenir obligés qu’ils sont de faire ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.

Dans un domaine où plus que d’autres, l’actualisation des connaissances et la qualité des équipements jouent un rôle essentiel, les carences se paient au prix fort. Au prix de la vie. La déconnexion entre pratique médicale d’une part puis enseignement et recherche de l’autre creuse un fossé préjudiciable. La bi-appartenance Université/Hôpital n’a pas pour seul but de procurer des revenus confortables aux PU-PH (Professeurs des universités- praticiens hospitaliers), MCU/PH (Maîtres de conférences) et autres Chefs de clinique sans compter les acteurs des unités de recherche. Elle a vocation à connecter enseignement, recherche et pratique professionnelle.

La prépondérance et la concentration quasi exclusives de grandes structures de soins au détriment des centres de santé de proximité (les bons vieux dispensaires d’antan), notamment à l’intérieur des pays, sont difficilement compréhensibles pour le profane que je suis. La marchandisation et la monétarisation excessives des soins ajoutent aux difficultés et pervertissent l’objectif médical premier.

Le malade est un patient avant d’être un client. Sans sombrer dans l’extrême judiciarisation, un minimum de responsabilité (au besoin pénale si nécessaire) des acteurs de santé est une nécessité de nature à prévenir la désinvolture dans un domaine où elle n’a pas sa place. Ne pas vérifier les antécédents médicaux d’un patient est inconcevable. Or la responsabilisation fait cruellement défaut. Ce qui est d’autant moins tolérable dans les cas d’erreurs grossières aux conséquences létales.

Soyons réalistes. On ne peut attendre des Etats africains de proposer une offre et des modalités de soins équivalentes à ce qu’elles sont dans des pays « plus avancés ». Un minimum reste nécessaire. En être à célébrer la gratuité des transferts médicaux à l’intérieur même d’un pays illustre un état des lieux d’une politique de santé publique lacunaire. Cela étant, la mesure est à saluer. Urgences, Soins intensifs et… hélas soins palliatifs, le cas échéant, constituent les maillons d’une chaîne médicale normale. Médecine de ville et hôpital devraient être un binôme vertueux. Idem de médecin et pharmacien.

Le système de santé est un écosystème. L’absence de règlementation d’un secteur aussi crucial que le secteur pharmaceutique (pharmaciens d’officine) est juste inadmissible.

La réunion récente au Togo de 7 chefs d’Etat africains (sans le Nigéria hélas) consacrée à la lutte contre les faux médicaments et la convention qui en est issue constituent un message fort. On verra de quoi l’avenir sera fait. Vraie avancée ou effet d’annonce ?

L’absence de couverture médicale digne de ce nom dans plusieurs pays du continent est dramatique. On dit souvent que si la santé n’a pas de prix, elle a un coût. Ce coût doit être pris en charge par et au nom de la solidarité nationale. Les tentatives d’instauration d’une couverture médicale universelle (notamment au Rwanda) est un bon début. Puisse-t-il être suivi et surtout perfectionné ?

Tijane Bal

Facebook – Le 20 janvier 2020

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