La Corée du Sud n’aime pas la moustache de l’ambassadeur américain

La moustache de Harry Harris, nommé en juillet 2018 à l’ambassade de Séoul, rappelle aux Sud-Coréens la domination coloniale japonaise.

 

L’ambassadeur américain à Séoul, Harry Harris, a beau avoir tenté, en conférence de presse jeudi 16 janvier, de traiter avec humour l’affaire de sa moustache, cette dernière cristallise le mécontentement des Coréens du Sud vis-à-vis des Etats-Unis, et ce depuis sa nomination en juillet 2018.

Pour de nombreux internautes, sa moustache – de style chevron, d’après les experts – n’évoque rien moins que les huit gouverneurs généraux nippons qui se sont succédé pour diriger, d’une main de fer, les destinées de la péninsule pendant les trente-cinq années (1910-1945) de la période coloniale. Air du temps, tous arboraient des favoris.

Dans le cas de M. Harris, la ressemblance serait forte avec Yoshimichi Hasegawa (1850-1924), maréchal et gouverneur de 1916 à 1919, tristement connu pour sa violente répression du mouvement du 1er mars 1919 en faveur de l’indépendance.

Mère japonaise

 

Le préjugé est exacerbé par l’identité même de Harry Harris, qui aurait le tort d’être né à Yokosuka, près de Tokyo au Japon, d’un père militaire américain et surtout d’une mère japonaise. Pas de quoi soigner sa popularité au moment où les relations entre Tokyo et Séoul sont au plus bas, sur les questions historiques notamment.

Face à ces attaques, l’amiral à la retraite, ancien chef d’état-major du commandement américain du Pacifique, a rappelé que certains combattants pour l’indépendance de la Corée portaient eux aussi la moustache. Il a également expliqué que son choix de la laisser pousser devait « marquer la rupture » entre sa carrière d’officier et sa nouvelle vie de diplomate. « J’ai essayé de grandir, mais je ne pouvais pas, alors j’ai essayé de rajeunir, mais je ne pouvais pas non plus. En revanche, je pouvais me laisser pousser une moustache, alors je l’ai fait », a-t-il expliqué pendant son intervention.

« Je suis qui je suis, a-t-il ajouté. Tout ce que je peux dire, c’est que chaque décision que je prends est basée sur le fait que je suis l’ambassadeur américain en Corée, pas l’ambassadeur japonais des Etats-Unis en Corée. »

Attitude « inconvenante »

 

Un positionnement insuffisant car le désamour continue. Nommé à ce poste par le président américain, Donald Trump, M. Harris est un fervent défenseur de sa politique dans la péninsule coréenne. Il a poussé Séoul à tenter de reprendre langue avec Tokyo. Il appuie aussi la volonté de Donald Trump de voir Séoul multiplier par quatre – à 5 milliards de dollars – sa contribution au maintien des 28 000 soldats américains déployés dans le sud de la péninsule.

En décembre 2019, des militants ont participé à une manifestation dans le centre de Séoul, où la très peu diplomatique moustache a été moquée. Les manifestants voulaient même décapiter une effigie de M. Harris. Ils ont renoncé après intervention de la police.

Et le dernier accrochage en date avec l’administration du président, Moon Jae-in, fut l’occasion de raviver les critiques. Le 17 janvier, la Maison Bleue (la présidence sud-coréenne) a qualifié de « particulièrement inappropriée » la suggestion de Harry Harris, formulée la veille, de voir Séoul demander l’accord de Washington pour autoriser les Coréens du Sud à se rendre au mont Kumgang, site touristique de Corée du Nord. L’administration Moon y a vu une atteinte à la souveraineté du pays.

En écho à l’ire présidentielle, l’élu du parti démocrate Minju (au pouvoir), Song Young-gil, n’a pas hésité à reprendre la comparaison de M. Harris avec les gouverneurs généraux japonais, tout en qualifiant son attitude d’« inconvenante pour un ambassadeur ».

 

Philippe Mesmer

(Tokyo, correspondance)

 

Source : Le Monde

 

 

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