J’ai dû retirer mon voile pour signer un contrat d’alternance

Pendant six mois, j’ai cherché une alternance en portant mon voile, sans résultat. Alors j’ai décidé de me présenter en entretien tête découverte…

 

Je suis voilée et ça dérangeait beaucoup d’entreprises dans lesquelles je postulais. J’ai cherché une alternance pour faire un BTS professions immobilières en mars 2018 et j’ai trouvé au mois d’août. J’ai postulé dans différentes agences immobilières, chez des bailleurs sociaux, des promoteurs, et j’y ai subi des discriminations par rapport à mon voile et à mes origines.

Ça m’a pris six mois pour trouver une entreprise. Pourtant, après avoir étudié les critères des annonces qui m’intéressaient, je correspondais. Niveau bac? C’est le cas. De l’expérience dans l’immobilier? J’en avais pas directement dans l’immobilier, mais dans la relation client, grâce à mon service civique à la Pitié-Salpêtrière où j’accueillais les patients.

Les recruteurs évoquaient la laïcité pour me discriminer

 

Au départ, j’ai postulé dans des agences, surtout sur Paris. Je viens d’Argenteuil et je ne voulais pas rester en banlieue. Je me suis beaucoup déplacée pour donner mon CV. Je sentais des regards sur moi, comme si quelque chose les dérangeait. Dans une agence, j’ai eu des remarques comme: “Nous sommes dans un pays de laïcité”, “Aucun signe de religion ne doit être visible”… Ça m’est arrivé plusieurs fois et ils me le disaient dès le début! Ils me laissaient une chance de me présenter, mais juste après, ils me disaient: “Par contre le voile, j’espère que vous allez pas travailler avec…” Ou: “Par contre, le voile vous n’avez pas le droit.” Ils prenaient mon CV, mais ça n’allait pas plus loin.

Dans d’autres, quand ils voyaient mon nom, ils disaient: “Ah.” Plusieurs agences m’ont demandé mes origines. J’ai l’impression que, dans les agences immobilières, il y a des discriminations envers les personnes qui sont de différentes origines. Il y avait que des Français, genre des Pierre, Paul, Jacques. Je suis Française moi aussi, mais je veux dire des Blancs… Une personne d’origine maghrébine aura plus de mal de trouver un appartement qu’une personne blanche, c’est prouvé. Donc ça ne m’étonne pas que ce soit la même chose au niveau de l’emploi.

Je suis passée par Mozaïk RH [ndlr: cabinet de recrutement et de conseil luttant contre les discriminations à l’embauche], j’ai postulé à tout ce que je pouvais sur LinkedIn et sur les sites de recrutement, je me suis déplacée dans un forum de jobs et dans plusieurs agences immobilières. J’ai tout fait! Mais j’avais que des retours négatifs. Certaines agences ne m’ont pas répondu.

Maintenant, le voile je le porte… et je le porte pas

 

Alors comment j’ai trouvé mon alternance? J’ai passé mon entretien début août avec un bailleur social et pour la première fois, j’ai décidé de ne pas porter le voile. Ce fût une décision très difficile. Au début de mes recherches, je me disais: soit on m’accepte comme je suis, soit on m’accepte pas. Mais après avoir subi toutes ces discriminations, j’ai baissé les bras.

J’ai commencé en septembre 2018. Je peux y être habillée comme je veux, mais porter le voile… je ne sais pas. Après avoir fait beaucoup d’entretiens avec le voile, je me dis que j’aurais du mal à me faire accepter. Je suis la seule à avoir un prénom arabe, les autres c’est Priscillia, Laetitia, Axel… J’ai discuté avec une collègue qui m’a dit qu’elle portait le voile, mais elle ne travaille pas avec moi.

Maintenant, le voile, je le porte… et je le porte pas. Dehors, je le porte, mais à l’école et à l’entreprise, je l’enlève. Si un jour j’ai ma propre entreprise, je ne vais pas chercher à savoir l’origine des candidates et si elles portent le voile, mais je vais m’attacher à leurs compétences, leurs expériences… Normalement, les entreprises cherchent des personnes qui veulent avancer, réussir… Peu importe le physique. Le physique et les croyances, ça ne devrait pas être quelque chose d’important. Pour moi, la laïcité, c’est savoir vivre ensemble, peu importe la religion ou la culture de la personne!

J’ai une amie qui porte le voile et qui refuse de l’enlever. Elle est restée forte, mais ça fait huit mois qu’elle cherche. Moi, je n’ai pas osé porter le voile. Et je regrette. Des fois, je me dis que j’aurais pu être forte, moi aussi.

 

 

Ce billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concernent.

 

Le nom d’utilisateur a été modifié à sa demande.

 

Source : HuffPost

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page