Une revue pour étudier l’esclavage et sa persistance

Les conséquences de la servitude persistent bien après son abolition. « Esclavages & Post-esclavages », lancée à l’automne, entend pallier l’absence dans le monde francophone d’une publication sur ces questions.

Nouveau signe de l’intérêt croissant que rencontrent les études décoloniales, une revue consacrée à l’esclavage et à la persistance de ses effets, longtemps après son abolition, a été lancée à l’automne. Dirigée par Myriam Cottias et Céline Flory, Esclavages & Post-esclavages entend pallier l’absence, dans le monde francophone, d’une publication sur ces questions. « Dans l’espace international, deux revues scientifiques existent depuis longtemps – l’une britannique, l’autre hollandaise – mais il n’existe aucune publication équivalente en langue française, explique l’historienne Myriam Cottias, directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages (Ciresc), qui édite la revue. Les chercheurs français devaient jusqu’à présent publier leurs articles à l’étranger ou dans des périodiques qui ne se consacrent pas uniquement aux esclavages. »

Pour l’historien Paulin Ismard, auteur de La Cité et ses esclaves (Seuil, 384 pages, 24,90 euros), la France souffre en effet d’un « infini retard » dans l’étude de l’asservissement et de sa postérité. Sans participer aux travaux de cette revue, il observe que « les collectifs de chercheurs travaillant sur cette question restent rares dans notre pays ». « Ce champ commence enfin à se développer grâce à l’apport des études coloniales et post-coloniales », ajoute-t-il.

Dialoguer avec le monde entier

 

Editée en quatre langues (le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais), cette revue semestrielle entend dialoguer avec le monde entier et offrir au lecteur des contributions de scientifiques étrangers. La composition du comité de rédaction reflète cette intention : il rassemble des chercheurs du Sénégal, de Suède, des Etats-Unis ou du Danemark. Bien que la revue aspire à étudier « les situations d’esclavages et de post-esclavages dans le monde, de l’Antiquité à nos jours », une attention particulière sera portée au monde actuel – Paulin Ismard, spécialiste de la Grèce antique, souligne d’ailleurs l’orientation moderne et contemporaine du comité de rédaction, qui ne compte pas d’antiquisants.

Si Myriam Cottias rejette la posture du militant, elle ne cache pas que cette revue a, pour elle, une dimension politique, ou du moins civique. « Nous avons une position de chercheur citoyen, explique-t-elle. Nous ne voulions pas aborder l’esclavage en termes de repentance ou de victimisation, mais les émeutes de 2005 nous ont montré à quel point l’esclavage a des réverbérations, jusqu’à aujourd’hui, à travers les discriminations. » Parfaite illustration de cet engagement, le premier numéro est intitulé « Citoyenneté & contre-citoyenneté » : il parcourt le Chili, le Cameroun, Haïti, l’Inde, et consacre un article à la Race, couleur et citoyenneté au temps de la Révolution française.

La revue souhaite contribuer au débat public en offrant un libre accès à ses articles, grâce au soutien du CNRS et du portail de publications en sciences humaines et sociales Open Edition. La diffusion de connaissances n’est pas le seul moyen utilisé pour participer à la réflexion collective : l’une de ses rubriques, s’appuyant sur les atouts multimédias du Web, présente des vidéos et des photos d’œuvres artistiques portant sur l’esclavage.

 

Marc-Olivier Bherer

Source : Le Monde

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