Youssou Ndour : « Je suis comme le pêcheur qui quitte les côtes sénégalaises mais revient toujours »

Le chanteur et désormais homme politique sénégalais raconte ses dimanches au JDD. À Dakar, le griot retrouve les siens autour d’un plat traditionnel tout en suivant foot et lutte sénégalaise.

 

« Je me lève tard, vers midi, voire plus tard si j’ai chanté la veille. Mon premier réflexe est d’allumer la télé pour prendre connaissance des résultats de sport. » Étonnamment ordinaires, les dimanches de ­Youssou Ndour? À ceci près que le chanteur dakarois n’est pas près de céder son trône de roi du mbalax, le rythme emblématique du Sénégal. Cette année, il a encore ­surpris son monde avec History, co­produit avec l’Américain Matt Howe, connu pour avoir accouché de beaux disques avec ­Lauryn Hill, Madness ou Primal Scream. Ndour s’y essaie à l’Auto-Tune, le correcteur vocal chéri des rappeurs. Serti de rythmes saccadés dernier cri, l’album n’abonde pas moins de références à la musique africaine. Quoi qu’il en soit, c’est à Dakar et nulle part ailleurs qu’il se représente ses dimanches… « Je suis comme le pêcheur qui quitte les côtes sénégalaises mais revient toujours, dit-il. Je n’ai jamais habité autre part. »

Le dimanche dans son bureau

En aurait-il le temps? ­Ancien ministre de la Culture et du Tourisme, désormais ministre-­conseiller du président Macky Sall dont il est proche, ­Youssou Ndour combine sa vie de lumière avec de multiples engagements citoyens (paludisme, dette, microcrédit, éducation). Lui-même un temps candidat à l’élection présidentielle sénégalaise en 2012, il est un homme d’affaires soucieux de faire avancer l’Afrique de l’Ouest. Futurs Médias, le groupe qu’il a fondé, ­pilote une radio, Radio Futurs Médias (RFM), une chaîne de télévision, Télé Futurs Médias (TFM), et un quotidien tiré à 80.000 exemplaires (L’Observateur).

« Youssou, le dimanche, on le trouve à son bureau », taquine Michelle Lahana, « la Gazelle », sa manageuse de toujours. « Mouais, il est vrai que ça arrive comme ça, concède l’intéressé. Comment faire autrement? Si des gens qui passent à Dakar me font signe en urgence, il arrive que ça tombe le dimanche et que je ne puisse pas décemment les reporter. Si c’est Bono [le leader de U2], une vieille connaissance, ou des étrangers venus de loin voir le vrai Youssou, je suis bien obligé… »

Boubou et soupou

Il préfère alors se rendre ­visible à son bureau, « qui n’est jamais qu’à un quart d’heure de [son] domicile et à vingt minutes de chez [sa] mère ». Dans le centre de Dakar, du côté Médina où il a grandi et en passant par la corniche dont il apprécie le bord de mer azuréen, il apparaît vêtu de boubous vifs, de préférence verts ou bleus. « Je les aime modernes, c’est-à-dire à deux pièces. Ils sont moins majestueux mais plus légers que les boubous traditionnels. Après, tout dépend des circonstances. Mais dans tous les cas, on porte le boubou à partir du vendredi. »

« Ensuite arrive samedi et c’est déjà dimanche car il faut penser à commander deux plats incontournables. » Les traditions dominicales que l’artiste ne braderait pour rien au monde sont aussi culinaires. « Il s’agit du soupou kandia et de ce que nous appelons le ‘riz mouillé à la viande’. Ce sont des délices très précis auxquels tous les Sénégalais restent très attachés. » Le soupou, fait avec une huile de palme et des fruits de mer, est une sorte de paella très africaine. « Quant au thiep, le riz préparé selon des règles que je ne saurais vous expliquer, il est sacré pour nous le dimanche car, bien sûr, c’est un jour pour retrouver ses proches à table. »

À ces repas choisis, Youssou Ndour associe naturellement des petites sorties pour « aller saluer des amis, leur faire une surprise rapidos, taf-taf’. Souvent, aussi, il rend visite à sa mère. ‘C’est là que je retrouve un peu la famille : mes sœurs, mes frères, pas besoin de se prévenir pour s’y croiser. » Il peut lui arriver d’aller trouver son père Elimane Ndour, artisan ferronnier-forgeron de 90 ans passés. « Il a toujours son atelier sur la corniche, en face du village artisanal. Il est très connu là-bas. Mais le dimanche, mes enfants vont plutôt chez ma mère. »

La musique des génériques

Comme la musique est sa vie, Youssou ne l’estime pas prioritaire le dimanche. « Honnêtement, je pense avant tout aux ­génériques des émissions sportives sénégalaises et aux résultats des matches de foot que j’attends! », rit-il. Si la musique le rattrape, ce sera plutôt le soir, tard. « Je rejoins mon petit frère Ibrahima, dit ‘Prince Ibou’, au studio, pour écouter, mixer ou retravailler des bandes. » Un agenda qui, fréquemment, abrège ses promenades en famille sur les plages dakaroises ou en ville. « De toute façon, je crée trop vite des attroupements. C’est l’inconvénient de la célébrité! J’aime être un homme public et aimé, mais il y a un moment pour tout. »

De retour à son domicile, à la télévision l’attend ce qui fait office de messe dans son pays les dimanches en fin d’après-midi : la lutte sénégalaise. « Les enfants sont couchés car le lendemain ils ont école. C’est un bon moment pour se ­détendre et regarder les ­combats ­commentés par mon vieil ami ­Moustapha Guèye, le ‘Tigre de Fass’, notre grande star, lui-même un ancien lutteur. »

Alexis Campion

Source : Le Journal du Dimanche (France)

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