« La médecine traditionnelle peut contribuer à une couverture santé universelle en Afrique »

Selon Matshidiso Moeti, de l’OMS, les guérisseurs sont plus accessibles, moins coûteux et mieux perçus par les populations locales que les systèmes de soins conventionnels.

 

Tribune. Quand Miriame a des soucis de santé ou des maux chroniques, elle consulte le guérisseur de sa communauté au Sénégal. Il a une connaissance des plantes thérapeutiques locales qui lui vient de ses aïeux, elle lui fait confiance. Et surtout, ses remèdes naturels semblent fonctionner. Contre l’avis de ses enfants, eux-mêmes parents, Miriame se méfie de la médecine conventionnelle, perçue comme plus moderne par les nouvelles générations.

De plus en plus de pays africains se réintéressent aux pratiques de soin traditionnelles, discréditées pendant la période coloniale pour manque de fondement scientifique. Cette forme de médecine, quand elle s’appuie sur des méthodes et des outils scientifiques, pourrait contribuer grandement à l’accès à la médecine pour tous et à l’établissement d’une couverture sanitaire universelle en Afrique.

 

 

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De manière générale, cette médecine est plus accessible, moins coûteuse et mieux perçue par les populations locales. Lorsqu’elle est de qualité, elle permet de favoriser les traitements de santé dans les zones rurales reculées où les systèmes de soins conventionnels sont moins présents. Si on peut en garantir la qualité, elle pourrait être bénéfique à une grande partie de la population, sachant que pour beaucoup, elle constitue la principale voire l’unique source de soins.

Chiffres à l’appui, la proportion de guérisseurs par habitants est bien plus élevée que celle de médecins conventionnels. Dans certains pays comme le Ghana ou la Zambie, plus des deux tiers de la population fait appel à des guérisseurs traditionnels et utilise des remèdes à base de plantes.

Des comités d’experts

 

Pour en tenir compte davantage, un nombre croissant d’Etats africains prennent des mesures visant à intégrer la médecine traditionnelle dans leur système national de santé.

Des politiques nationales, accompagnées d’un cadre juridique pour la pratique des soins traditionnels, ont été mises en place dans une quarantaine de pays. Des comités nationaux d’experts ont été établis dans 34 pays afin de mieux évaluer ces pratiques, de favoriser la recherche et le développement dans ce domaine et de veiller à l’assurance qualité des prestations et des produits. De son côté, le gouvernement du Mali a introduit de nouvelles mesures pour évaluer la compétence des guérisseurs traditionnels, les répertorier et les intégrer dans le système national de santé.

 

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De même, les rapports hiérarchiques entre médecine traditionnelle et médecine conventionnelle sont en train de s’estomper, avec une coopération plus étroite entre les deux et un respect mutuel accru. Ainsi, au Sénégal, dans le cadre d’un projet de collaboration, les patients traités par des remèdes naturels ont été soumis à une observation pré- et post-traitement par des médecins conventionnels pour juger de l’efficacité des soins.

Pour sa part, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a développé des outils techniques pour aider les pays africains à faire de la médecine traditionnelle une composante à part entière de leur système de santé. Ces outils facilitent la validation scientifique des traitements à base de plantes médicinales. A un niveau plus global, l’OMS a décrit les actions qu’elle juge prioritaires dans ce domaine dans sa « Stratégie pour la médecine traditionnelle 2014-2023 », qui examine la contribution potentielle que la médecine traditionnelle peut apporter à la santé.

Objectif santé pour tous

 

Notre but reste néanmoins la couverture sanitaire universelle dans tous les pays africains à l’horizon 2030. C’est le meilleur moyen d’améliorer la santé pour tous. En septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, les pays africains ont eux aussi réaffirmé leur engagement dans cette voie. La mise en œuvre de mesures concrètes doit faire suite aux engagements de principe et les progrès doivent passer par des actions au niveau des systèmes nationaux de santé et des ressources propres dédiées à ces actions. La médecine traditionnelle n’en est qu’une partie, même si elle en est une partie importante.

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Alors que la communauté internationale marque la journée de la couverture de santé universelle ce jeudi 12 décembre, rappelons-en la promesse : que chaque personne, quelle qu’elle soit et où qu’elle vive, puisse bénéficier des services de santé dont elle a besoin sans avoir à faire face à des difficultés financières.

 

 

 

 

Source : Le Monde (Le 12 décembre 2019)

 

 

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