En pays Yoruba, on fête la « bénédiction » des jumeaux du Nigeria

Le village d’Igbo-Ora, réputé avoir un nombre de naissances gémellaires supérieur à la moyenne internationale, s’est autoproclamé « capitale mondiale des jumeaux ».

Un panneau de bienvenue à l’entrée de la ville d’Igbo-Ora, dans le sud-ouest du Nigeria, accueille les visiteurs dans la « capitale mondiale des jumeaux ».

Cette petite communauté, au cœur du pays yoruba, est d’habitude plutôt endormie. Mais, une fois par an, des centaines de jumeaux venus de tout le sud-ouest s’y retrouvent pour un festival en leur honneur. Hommes et femmes, enfants ou nouveau-nés, tous paradaient samedi 12 et dimanche 13 octobre sous les chants et les regards d’un public admiratif.

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« Nous sommes ravis d’être célébrés aujourd’hui », confie à l’AFP Kehinde Durowoju, un jumeau de 40 ans, en serrant son frère, Taiwo, dans ses bras. « Avec cet événement, le monde entier comprendra mieux que les ibeji sont des enfants spéciaux et des cadeaux de Dieu », assure-t-il, pendant que des « mascarades », personnages représentant les esprits, défilaient au rythme des percussions.

« Paix, progrès et prospérité »

 

Des démographes affirment que le pays yoruba, qui s’étend du sud-ouest du Nigeria au Bénin voisin, compte beaucoup plus de naissances de jumeaux que le reste du monde. Les statistiques sont difficiles à obtenir, mais une étude réalisée par un gynécologue britannique, Patrick Nylander, entre 1972 et 1982, avait enregistré une moyenne de 45 à 50 jumeaux pour 1 000 naissances vivantes dans la région, contre 33 pour 1 000 aux Etats-Unis, selon le National Center for Health Statistics.

Igbo-Ora, à une centaine de kilomètres au nord de la mégalopole de Lagos, se targue d’être l’épicentre de ce phénomène, et s’est autodésignée « capitale mondiale des jumeaux ».

Le village d’Igbo-Ora, dans le sud-ouest du Nigeria, fête tous les ans en octobre les jumeaux. Le pays Yoruba aurait un taux de naissance gémellaire très supérieur au reste du monde. PIUS UTOMI EKPEI / AFP

 

Les habitants de la ville affirment presque tous avoir des jumeaux dans leur famille. Et le chef traditionnel n’est pas celui qui pourrait démentir cette curiosité génétique. « J’ai un frère jumeau, ma femme a une sœur jumelle, et nos enfants sont jumeaux ! », crâne fièrement Jimoh Olajide Titiloye.

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« Il n’y a pratiquement aucun ménage dans cette ville qui n’en a pas », assure le chef de la communauté. Il souhaite d’ailleurs promouvoir la petite ville d’Igbo-Ora comme la « première destination touristique mondiale pour les jumeaux » et a contacté le livre Guinness des Records pour y figurer.

En attendant l’ultime consécration, on se concentre sur le festival, devenu une fierté dans tout le Yorubaland. « C’est une célébration de notre culture et de la reconnaissance des ibeji », explique le roi de la localité, Lamidi Adeyemi. Le terme ibeji, qui désigne les jumeaux en yoruba, se réfère également à une sorte de divinité qui « annonce généralement la paix, le progrès, la prospérité et porte chance aux parents », explique le oba (roi).

« Une affaire de génétique »

 

Si certains considèrent aujourd’hui les jumeaux comme une bénédiction, cela n’a pas toujours été le cas. A l’époque précoloniale, et encore dans certaines régions ou dans certains groupes de population au Nigeria, les jumeaux peuvent être considérés comme « diaboliques » et sont abandonnés ou tués.

 

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Les scientifiques n’ont pas encore expliqué pourquoi les Yoruba, et à Igbo-Ora en particulier, comptaient un si grand nombre de jumeaux. Mais les résidents locaux ont leur propre théorie. « Nous mangeons de la feuille de gombo ou de la soupe ilasa avec de l’igname et de l’amala », de la farine de manioc, explique fermement à l’AFP Samuel Adewuyi Adeleye, dirigeant de la communauté. Selon plusieurs traditions ancestrales dans le monde, l’igname sauvage est réputée contenir une hormone naturelle (phyto-œstrogène) et est parfois utilisée dans des traitements gynécologiques artisanaux censés favoriser la fertilité.

Le village d’Igbo-Ora, dans le sud-ouest du Nigeria, fête tous les ans en octobre les jumeaux. PIUS UTOMI EKPEI / AFP

« L’eau que nous buvons contribue également à ce phénomène », assure M. Adeleye, sans fournir davantage d’explications. De leur côté, les experts sont sceptiques et affirment qu’il n’y a pas de lien prouvé entre régime alimentaire et taux de natalité gémellaire, l’igname sauvage étant consommé dans toute l’Afrique de l’Ouest.

« C’est une affaire de génétique, lance Emmanuel Akinyemi, gynécologue et directeur d’une clinique obstétrique locale. Le gène responsable des naissances multiples monozygotes se trouve dans notre région et a été transmis de génération en génération. »

Le Monde avec AFP

Source : Le Monde

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