Engagement citoyen : Comment l’APEFAS réintègre les enfants en déperdition scolaire

La déperdition scolaire, les violences juvéniles, et les viols d’enfants sont des tragédies quotidiennes, corrélées à la pauvreté socio-économique du quartier Sixième, au sud-est de Nouakchott. L’association pour la protection de l’enfance, de la femme et de l’action sociale (APEFAS) lutte depuis 2 ans contre ces fléaux, à travers une structure dynamique et résolument engagée, d’appui scolaire et de réintégration, puis à travers des rondes régulières improvisées dans les bulles de no man’s land du quartier.

A quelques dizaines de mètres du carrefour Yero Sarr de la commune de « Sixième », quartier périphérique difficile de Nouakchott, le siège et en même temps camp de classe de l’APEFAS. Un groupe d’une demi-douzaine de fillettes s’entraînent à un concours de « Génies en herbe », qui aura lieu au mois de septembre ; un autre groupe de garçons improvise une partie de tennis avec une table de fortune et quelques raquettes, munis d’une balle en plastique de football en guise de balle de tennis ; et un dernier groupe lit dans la pièce qui sert à la fois de bureau et de bibliothèque. Le tout sous le regard intense, attentif et tendre d’Amadou Tall, jeune président de l’association, soucieux du bon comportement de ses protégés.

« Nous avons plus de 300 enfants inscrits ; parmi eux, 192 suivent des cours de mise à niveau et de suivi ici. Il y a 70% de filles ; elles sont les plus impliquées. Nos enfants ont entre 4 et 18 ans. Ils apprennent le Coran, le français, l’arabe et l’anglais, ainsi qu’une initiation aux langues locales (à travers des jeux de mots entre les enfants). Les sciences et mathématiques parachèvent le socle académique que nous essayons de fournir à ceux d’entre eux qui sont au collège » explique le président, affectueusement appelé « Ama » par ses pairs de l’association, et quelques enfants.

Créée en 2017, APEFAS veut lutter contre la déperdition scolaire des enfants du quartier. « Nous avons parlé aux parents sur la situation scolaire et éducative de la plupart des enfants du quartier, dont les leurs. Nous avons parallèlement lutté contre les viols, et même empêché certains d’entre eux, avec les sorties nocturnes spontanées que nous organisions. De ce fait, nous avons sans peine pu convaincre Mamadou Sonko, un notable du quartier, qui nous a gracieusement laissé occuper le lieu qui nous sert de local actuellement, comme rampe de lancement de nos activités à venir » continue Ama.

Une bibliothèque avec des ouvrages académiques et des romans pour les initier le plus tôt possible à la lecture et faciliter leur compréhension des cours dispensés à l'école.       Crédit : Mozaikrim/MLK

Une bibliothèque avec des ouvrages académiques et des romans pour les initier le plus tôt possible à la lecture et faciliter leur compréhension des cours dispensés à l’école. Crédit : Mozaikrim/MLK

 

Lutter contre la déperdition scolaire

 

Un des objectifs clairement affichés de l’APEFAS est la lutte contre la déperdition scolaire ; en ce sens, leur aire d’intervention est probablement un des plus atteints par ce fléau dans la capitale. « Sans supervision claire et régulière de leurs parents ou tuteurs, beaucoup d’enfants abandonnent l’école, ou sont largués par le système lui-même qui a déjà du mal en être un lui-même, dans le contexte proche du néant de l’éducation nationale mauritanienne que nous connaissons tous » soutient un tuteur d’APEFAS, qui donne des cours de mathématiques aux collégiens pris en charge les après-midis par l’association.

Dès lors, tous les moyens sont bons aux yeux d’APEFAS pour en ramener le maximum dans le circuit scolaire, et par-dessus tout, insiste le président de l’association, « les motiver dans la curiosité de l’apprentissage à l’école » ; d’où la timide mais importante petite bibliothèque du centre, assidument fréquenté ce jour-là part quelques élèves. Ces motivations passent par l’intégration à un programme sportif (basket, football et même tennis – avec les moyens du bord -), la prise en charge du matériel scolaire par l’association, et surtout, un cadre éducatif, social, avec des référents présents, équilibré, que certains des enfants ne retrouvent pas forcément chez eux.

Justement, le profil des enfants n’est pas nécessairement celui d’individus en difficulté dans leurs cellules familiales. Mais ils sont potentiellement influençables dans le contexte socialement violent, et violent tout court, du quartier. « Il y a également quelques orphelins parmi les enfants dont nous nous occupons » précise Ama.

Le sport, le tennis notamment (avec les moyens du bord), font partie des activités pour fixer les enfants dans ce lieu convivial d'éducation et de vie sociale.       Crédit : Mozaikrim/MLK

Le sport, le tennis notamment (avec les moyens du bord), font partie des activités pour fixer les enfants dans ce lieu convivial d’éducation et de vie sociale. Crédit : Mozaikrim/MLK

Un soutien total, au-delà de l’académique

 

Les enfants pris en charge arrivent à 15h30 au centre, quasi-quotidiennement. Que ce soit pour le sport, les cours du soir, les préparations au concours de « Génies en herbe » ou pour toute autre forme d’activité, rien ne commence sans la récitation du mantra de cette cellule familio-associative :

  • « Demain c’est nous ! » entame les enfants regroupés.
  • « Pourquoi demain c’est vous ? » demande un des tuteurs du centre.
  • « Parce que nous sommes l’avenir ! » rétorque en chœur et motivés les enfants.

Surmotivés, le groupe se disperse. Cet après-midi les primaires ont cours d’arabe et de Coran, et quelques-uns passeront l’entrée en 6ème en juin 2020. « L’an passé, sur les 13 qui passaient cette entrée en 6ème, seuls 2 ne l’ont pas obtenu » assure Ama,

Certains de ces enfants faisaient même du commerce de survie, en ramassant toute la ferraille qu’ils pouvaient trouver pour la revendre au ferrailleur en face de l’école, « pour avoir de quoi manger au goûter ». « Nous en avons vu pleurer de faim, et que le directeur extraordinaire de cette école prenait de côté pour leur acheter du pain et leur préparer un petit-déjeuner à la récréation » dit d’une voix triste un des tuteurs.

Dans cette vie de groupe, aux allures familiales, beaucoup d’enfants qui y trouvent une sécurité affective et morale qu’ils n’ont pas forcément chez eux, sont plus facilement convaincus de retourner à l’école : « Les enfants sont bien plus intelligents qu’on ne croit. Pour les convaincre de retourner à l’école nous leur montrons les bienfaits de la vie en groupe ici, avec les autres enfants, avec toutes les activités que nous essayons d’organiser. MAIS une condition pour en être : prendre le matériel scolaire que nous leur donnons et retourner à l’école. Très peu refusent. » insiste Ama.

L'arabe et le Coran sont parmi les leçons délivrées dans ce cadre, avec un engagement et une participation dynamique des enfants.       Crédit : Mozaikrim/MLK

L’arabe et le Coran sont parmi les leçons délivrées dans ce cadre, avec un engagement et une participation dynamique des enfants. Crédit : Mozaikrim/MLK

 

Du bénévolat essentiellement

Les profs sont tous bénévoles. « Nous avons un temps payé leur transport pour qu’ils puissent venir dispenser les cours ici, jusqu’à ce que nous ne puissions plus le faire. Ils sont au nombre de 5, sans compter les superviseurs » explique Amadou Tall.

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Source : Mozaïkrim

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