Emmanuel Macron le répète depuis le début des incendies qui ravagent la forêt amazonienne. La Guyane fait de la France un pays directement concerné.
L’Amazonie? Une partie de la France. Tel est l’argument massue d’Emmanuel Macron pour justifier sa volonté d’agir au niveau international contre les feux de forêts qui dévastent ce «poumon de la planète» depuis la fin de juillet. «Nous sommes la cinquième puissance amazonienne», a encore répété dimanche à Biarritz le président français, après avoir lancé avec son homologue chilien Sebastian Piñera l’initiative du G7 pour la région, un projet, doté de 20 millions de dollars, qui sera prochainement discuté à l’Assemblée générale des Nations unies.
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Cette «partie de la France» est le département de la Guyane, coincé entre le Surinam et le Brésil, d’où affluent les immigrants clandestins et où se trouve, à Kourou, le pas de tir de la fusée Ariane et de l’Agence spatiale européenne, à laquelle la Suisse est associée. Le Parc amazonien de Guyane, connu pour servir de lieu d’entraînement à la Légion étrangère, est le plus grand parc naturel français d’une superficie de plus de 20 000 kilomètres carrés. Rien de comparable, toutefois, avec l’Amazonie Brésilienne ou avec les forêts tropicales de Bolivie, du Pérou et de Colombie, autres pays concernés par l’initiative du G7.
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Le projet de la «montagne d’or»
L’ironie est que la Guyane française, qui a longtemps abrité le bagne jusqu’à sa fermeture définitive en 1953, est elle aussi aux prises avec des désastres écologiques majeurs. Ils proviennent pour l’essentiel de l’orpaillage clandestin, souvent conduit par des chercheurs d’or en provenance du Brésil. Trois militaires français ont d’ailleurs trouvé la mort, en juillet, lors du démantèlement d’un camp d’orpailleurs. Les associations de défense de l’environnement y sont aussi mobilisées contre le projet de la «montagne d’or», un projet de mine d’or industrielle sur la commune de Saint-Laurent-du-Maroni (face au Surinam) contesté par les populations locales amérindiennes. La concession accordée en 2017 à une société canadienne pour son exploitation à ciel ouvert a, depuis, fait l’objet d’un recours, retardant son exploitation prévue à partir de 2022.
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La Guyane est, paradoxalement, au cœur de la confrontation verbale entre le président brésilien – dont les insultes envers Brigitte Macron ont donné lieu à des excuses de nombreux Brésiliens sur internet – et le locataire de l’Elysée. C’est à ce département de 300 000 habitants, annexé par la France en 1624, que Jair Bolsonaro a plusieurs fois fait référence en accusant Emmanuel Macron de «colonialisme».
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Le contentieux est aussi social entre l’administration française du territoire et l’Etat brésilien voisin de l’Amapa, séparés par une frontière de 730 kilomètres. Les bases de cette frontière remontent à 1713, aux termes d’un traité signé entre la France et le Portugal. Sa contestation par le Brésil indépendant a donné lieu, de 1895 à 1900, à une guerre achevée par un arbitrage confié… à la Suisse, qui fixa un nouveau tracé plus conforme aux revendications brésiliennes. Un abcès diplomatique et politique, régulièrement ranimé depuis.
Richard Werly, Paris
Source : Le Temps (Suisse)
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