Algérie : Ceux qui, toutes les semaines, « vendredisent »

Une révolution pacifique · Aujourd’hui, comme chaque vendredi depuis le 22 février, des centaines de milliers d’Algériens marcheront dans les rues de la capitale, des millions à travers les principales villes du pays. Jeunes et vieux, femmes et hommes, familles et couples, groupes d’amis, d’étudiantes, tous expriment la même revendication : un État de droit, une société moderne et démocratique.

Centre d’Alger. En cette fin de matinée, la rue Didouche Mourad (du nom d’un des six fondateurs du Front de libération nationale (FLN) en 1954) commence à se remplir. De jeunes garçons, acrobates urbains, grimpent sur des échafaudages pour accrocher aux façades haussmanniennes d’immenses affiches. Certaines dénoncent des ex-ministres qu’ils estiment corrompus, d’autres rendent hommage aux militants de la guerre d’indépendance. Ces gamins qui n’ont pas vingt ans se revendiquent de Mohamed Boudiaf, Mourad Didouche, Mohamed Larbi Ben M’Hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Rabah Biat et Krim Belkacem, qui déclenchèrent la guerre de libération nationale le 1er novembre 1954. Par cette action, ils se manifestent comme étant leurs descendants et aspirant à la même liberté. Le message est puissant, la transmission, réelle. Un peu plus bas, deux Algérois que quarante ans séparent s’apostrophent : « Y’en a marre, y’en a marre », répètent-ils. Marre de ce pouvoir, des dessous de table, de la corruption, de l’injustice. Mécontents, à n’en pas douter, mais heureux de se découvrir, de s’aimer davantage aujourd’hui qu’hier.

« J’ai testé ce régime et je n’ai pas maigri, alors je change de régime »

 

La ville est en ébullition : ébullition d’énergies, ébullition d’idées. Les arbres sont habillés de sacs poubelles afin que les rues restent propres. Tandis que la protestation grandit, la parole se libère. Des post-its minutieusement alignés sur le carrelage mural en témoignent : un politique « Peuple majeur et vacciné, transition démocratique, système dégage » jouxte un poétique « L’avenir appartient à ceux qui vendredisent 1 ». Un peu plus bas, place Audin, un corner d’expression libre s’organise. Quels que soient leur âge, leur sexe, les intervenants sont écoutés par un public respectueux et attentif. Partout, des hommes et des femmes discutent, s’interpellent. L’événement est solennel, mais l’ambiance est festive. La force d’être ensemble procure de la joie. Les slogans proclamés par les manifestants sont pleins d’humour : « Je ne suis pas parfait, mais je suis algérien », « Système CTRL+ ALT + SUPPR », ou encore « J’ai testé ce régime et je n’ai pas maigri, alors je change de régime ». Cela fait longtemps que les Algériens sont capables de rire des choses graves.

La foule grossit, la rumeur gronde. De la rue Didouche jusqu’à l’esplanade de la Grande Poste, lieu emblématique de rassemblement, de nombreux vendeurs ambulants proposent des bouteilles d’eau, des casquettes, des t-shirts, des badges, des ballons en forme de cœur et aux couleurs de l’Algérie : l’attirail du parfait révolutionnaire ! Partout, des drapeaux et une multitude de pancartes, à quelques centimètres les unes des autres, chacune portant une revendication.

« Un État civil, pas militaire »

 

Tournent les hélicos. Ici se joue une véritable symphonie. Un jeune homme, chef d’orchestre à l’allure de supporteur de foot, motive les manifestants. Serrés les uns contre les autres, ils tapent des mains, scandent « Système, dégage », « Le peuple demande que vous partiez tous ». Ils réclament « un état civil, pas militaire », exigent que les militaires sortent du champ politique. Ils ne sont pas dupes en effet du zèle et de la célérité qui caractérisent les incarcérations ayant eu lieu ces derniers mois, alors qu’ils demandent une justice indépendante, des procès équitables et des motifs d’arrestation fondés. Alors qu’ils revendiquent la liberté d’opinion.

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Samir Belkaïd

Source : Orientxxxi.info

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