Présidentielles Mauritanie : les enseignements de l’élection de Ould Ghazouani

Le conseil constitutionnel vient de valider l’élection de Ould Ghazouani avec une majorité de 52 pour cent après avoir rejeté tous les recours de l’opposition. Il devance ainsi le candidat abolitionniste Ould Abeid avec plus de 18 pour cent et le candidat Ould Boubacar arrive en troisième position avec plus de 17 pour cent suivi du candidat du VE KHB avec plus de 8 pour cent. Et le candidat du changement Ould Maouloud ferme la marche avec plus de 2 pour cent.

 

C’est une victoire du candidat du pouvoir qui rebascule le pays dans l’alternance militaire. C’est le premier enseignement de cette présidentielle. Ce scrutin où le président sortant ne se présentait pas s’est révélée finalement sans surprise pour les observateurs comme un scrutin entaché d’irrégularités administratives et de fraudes organisées méthodiquement par des otages du président sous la houlette de la CENI. Cette élection dès le premier tour de l’élève de Ould Aziz est un pur modèle de régime autoritaire où le président en exercice a mis toute la balance de son côté avant et pendant la campagne à la place du candidat de la majorité et avant la fin du dépouillement des bulletins de vote et au moment de l’auto-proclamation de son candidat comme vainqueur des élections.

Jamais une présidentielle n’a conduit le pays au bord du chaos avec des arrestations de plus d’une centaine d’opposants noirs dont le président des FPC Samba Thiam et le journaliste de l’Expression Libre Moussa Camara. C’est donc une victoire à la Pyrrhus conduisant ainsi le pouvoir à utiliser des méthodes fortes pour ouvrir une crise post-électorale ethno-raciale. Avec ces résultats les observateurs sont convaincus que rien ne sera plus comme avant. La peur a changé de camp au niveau de la jeunesse comme en témoigne la révolte dans les quartiers populaires de Nouakchott, à Nouadhibou et dans les villes de la vallée au lendemain de la proclamation prématurée des résultats par la CENI. C’est le deuxième enseignement. Ces résultats rejetés par l’opposition dont le recours au conseil constitutionnel a échoué confirment d’un côté le recul de plus en plus perceptible de l’UFP de Ould Maouloud qui a franchi à peine la barre des 2 pour cent.

 

La coalition des forces du changement explique cette faiblesse comme la volonté de règlement de compte de Ould Aziz qui remonte aux accords de Dakar en 2008. Et également le RFD de Ould Daddah soutien précieux dans cette élection. Ces deux principaux partis de l’opposition sont appelés à renouveler les hommes. De même le FNDU à une autre mutation avec en toile de fond une sortie probable du parti islamiste TAWASSOUL qui a montré d’autres ambitions. Et de l’autre l’émergence de deux forces patriotiques Hratines et afro-mauritaniennes incarnées par l’abolitionniste Ould Abeid qui devient la première force politique de l’opposition en doublant son score de 2014 avec plus de 18 pour cent des voix et KHB qui apparaît comme le leader naturel d’une coalition de partis afro-mauritaniens avec lequel l’AJD-MR de Ibrahima Sarr et les FPC de Samba Thiam devront compter à l’avenir.

Ces bons résultats appellent à une recomposition de tous les partis afro-mauritaniens sous une bannière consensuelle dans les prochaines années. C’est toute l’opposition démocratique qui est appelée à une mutation profonde d’ici 5 ans. C’est le troisième enseignement qui laisse apparaître dans ces élections l’émergence d’une jeunesse décomplexée toute tendance confondue et qui n’a pas cessé de défier le régime de Ould Aziz comme en témoigne l’accueil du cortège présidentiel au Sud comme au Nord ou centre-Ouest du pays par des huées et slogans hostiles au chef de l’Etat dans le cadre de l’inauguration de ses chantiers 2019.

 

Ce message d’exaspération de la jeunesse en particulier dans la vallée est un signe de colère contre un pouvoir qui les discrimine depuis longtemps. Les jeunes ont compris que leur vote est désormais important. Ce n’est pas un hasard de constater aujourd’hui que ce sont eux qui sont sortis dans la rue pour contester les résultats en faveur de Ould Ghazouani. C’est le quatrième enseignement. Enfin KHB est la surprise de cette présidentielle avec plus de 8 pour cent des voix multipliant ainsi par 8 son score de sa première présidentielle. En devançant largement le candidat du changement Ould Maouloud , il porte maintenant sur ses épaules un espoir de changement pour le pays de vivre ensemble et des prédispositions pour un leadership.

 

Par contre c’est une grande déception chez le candidat indépendant Ould Boubacar. Sérieux rival de Ould Ghazouani parce soutenu par le premier parti de l’opposition TAWASSOUL et le richissime opposant exilé Bouamatou, il obtient finalement un peu plus de 17 pour cent derrière le candidat abolitionniste. Mais il apparaît comme une nouvelle force avec laquelle il faudra compter sur la scène nationale. En définitive cette élection de Ould Ghazouani appelle l’opposition à tirer des leçons de sa naïveté congénitale de croire à des élections libres et transparentes. C’est le dernier enseignement qui vaut son pesant d’or sur son avenir dans un régime militaire sous vernis démocratique qui vient encore une fois de passer à l’action, un coup d’Etat électoral.

Bakala KANE

(Reçu à Kassataya le 02 juillet 2019)

 

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