Des chercheurs ont posé des portefeuilles remplis d’argent dans des lieux publics, voici le résultat

17.000 portefeuilles dans 40 pays ont été déposés à l’accueil de grandes institutions. Certains avec un peu d’argent, d’autres non. La conclusion de l’étude a pris de court chercheurs, experts et citoyens.

SCIENCE – Imaginez, vous marchez dans la rue quand soudain, vous tombez sur un portefeuille abandonné. Dedans, quelques effets personnels, une clé, une carte de visite et… un peu d’argent liquide. Contactez-vous le propriétaire?

Pour en avoir le coeur net, des chercheurs ont réalisé une grande étude internationale, publiée ce jeudi 20 juin dans Science. Ils sont allés dans 355 grandes villes réparties dans 40 pays et ont “perdu” plus de 17.000 portefeuilles, certains contenant environ 11 euros, d’autres sans argent.

Le résultat les a surpris: les porte-documents sans argent ont en moyenne 40% de chances d’être rendus. S’ils contiennent quelques billets, le pourcentage monte à 51%. Les auteurs ont alors réalisé une étude supplémentaire dans trois pays, en mettant cette fois 11 euros, 83 euros ou rien du tout. Verdict: plus il y a d’argent, plus le propriétaire a de chances d’être contacté (46% sans argent, 61% avec 11 euros et 72% avec 83 euros).

Les auteurs de l’étude ne sont pas les seuls à avoir été surpris. Ils ont demandé dans un sondage à des citoyens puis à des économistes de prédire ce qu’il devrait se passer. Les premiers estimaient que plus le portefeuille serait rempli, moins il serait rendu. Les universitaires pensaient que cela ne changerait pas beaucoup le résultat, mais que les chances de contact étaient moins importantes s’il y avait beaucoup d’argent dedans.

Altruisme et vol

 

Qu’en conclure? Pour les auteurs, cela démontre à la fois un sentiment altruiste de la part des citoyens un peu partout dans le monde, mais aussi et surtout le fait que personne n’a envie de passer pour un voleur. Une analyse qui a ses limites, même si l’étude a tenté au maximum de cadrer cette expérimentation, qui a coûté 535.000 euros.

Le portefeuille en question est toujours similaire: transparent (afin que l’on voit son contenu sans avoir à l’ouvrir), il est déposé par un des scientifiques à l’accueil d’une banque, d’un lieu culturel, d’un hôtel, d’un bureau de poste ou d’une institution publique. Le chercheur précise qu’il a trouvé ce portefeuille dans la rue et n’a pas le temps de s’en occuper. Puis il part, laissant l’objet en évidence devant l’employé.

Science

 

 

Cela peut sembler étrange comme fonctionnement. La personne étant actuellement en poste, cela ne va-t-il pas fausser son jugement? “Mais si nous avions laissé ces portefeuilles dans les rues, nous n’aurions eu aucun contrôle sur ce qu’il se passe”, explique Michel Maréchal, économiste à l’université de Zurich, coauteur de l’étude. Le temps qu’il fait, le nombre de personnes passant devant, le type d’endroit… Beaucoup trop de paramètres à contrôler. Alors qu’ici, le scénario est le même dans tous les pays.

Les chercheurs ont également vérifié: la présence de public ou de caméras de surveillance ne change pas le résultat de l’étude. Ils ont également fait une autre expérience en enlevant la clé dans certains portefeuilles. Ici, s’il y a une clé, les cobayes ont plus souvent tendance à contacter le propriétaire. Ce qui démontre, selon les auteurs, qu’il y a clairement une démarche altruiste.

Mais en plus de l’altruisme, la présence d’argent crée un phénomène bien particulier que les chercheurs ont explicité via un autre sondage, indépendant. Ils ont demandé à des personnes anonymes s’ils estimaient que ne pas rendre le portefeuille était un vol. Plus celui-ci contenait d’argent dans la question posée, plus les sondés estimaient que de ne pas contacter le propriétaire était proche d’un vol.

Des données diverses selon les pays

 

Si la différence entre un portefeuille avec et sans argent est assez claire, deux pays font exception: le Mexique et le Pérou, où le rapport est inversé, mais où la différence n’est pas significative statistiquement. Les auteurs de l’étude, dans une conférence de presse, affirment en toute honnêteté qu’ils ne comprennent pas cette situation.

Dans les 38 autres pays, il y a toujours un écart entre les deux configurations, mais ce n’est pas toujours le même. Et le pourcentage est lui aussi très varié en fonction des pays. Pourtant, les chercheurs ont ici aussi fait attention à limiter les biais, en adaptant la somme d’argent au pouvoir d’achat national, en changeant la devise, l’adresse de contact, etc.

Science

 

 

Pour autant, difficile d’expliquer ces écarts à partir de ces résultats. Les chercheurs évoquent bien des corrélations: le lien familial plus ou moins fort, l’emphase culturelle placée sur la responsabilité individuelle et collective, etc. Mais il est impossible avec cette simple étude de tirer des conclusions, de trouver des causes indubitables.

Justement, les chercheurs envisagent déjà de futures études pour creuser ces différences entre les pays, mais aussi pour réfléchir à des politiques publiques permettant de promouvoir l’honnêteté.

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