Dans le tumulte des événements politiques qui secouent le Soudan, un mystérieux incident a propulsé la monarchie marocaine au cœur de l’actualité, avec un hélicoptère stoppé à Khartoum. Il transportait une importante quantité d’or, propriété du groupe Managem, appartenant à Mohammed VI.
Le 9 mai 2019, un hélicoptère transportant une cargaison de 84 kilos d’or pour le compte du groupe marocain Managem (mines) contrôlé par la famille royale est intercepté par les autorités soudanaises alors qu’il se dirige vers la capitale Khartoum. Un premier communiqué officiel de ce pays indique aussitôt qu’il s’agit d’un « avion privé appartenant à une société étrangère », et qu’il a été « intercepté en train de transporter illégalement de grandes quantités d’or. » Le lendemain, une autre source officielle soudanaise nuance un peu : « L’hélicoptère a été arrêté parce qu’il ne disposait pas des autorisations nécessaires avant son décollage. » La quantité d’or saisie aurait été ensuite déposée à la Banque centrale du Soudan.
Cet incident, qui ternit un peu plus l’image de la monarchie marocaine en Afrique, a été abondamment relayé par les médias et les réseaux sociaux, et a remis sur la table la question très problématique des liens, souvent jugés « incestueux », que le roi du Maroc entretient avec l’argent et les affaires.
Avec une fortune personnelle de plus de 5 milliards de dollars (4,48 milliards d’euros) selon le magazine Forbes (2015), Mohammed VI est un homme d’affaires prospère qui contrôle le plus grand groupe financier du pays (Al-Mada, présent dans les secteurs les plus stratégiques de l’économie marocaine : banque, immobilier, télécoms, énergie, assurances, etc.). Il est à la fois « commandeur des croyants » (un statut qui le rend intouchable) et un chef de l’État disposant de pouvoirs politiques et administratifs quasi absolus, notamment en matière de nomination : les directeurs des « établissements publics stratégiques » sont désignés par lui, selon la Constitution.
La plupart de ces hauts fonctionnaires — qui doivent leur poste au monarque — sont souvent appelés à trancher dans les appels d’offres pour la conquête des marchés publics, où les entreprises du roi postulent au même titre que d’autres. Cela pose un problème de compatibilité avec les règles du marché et de la concurrence loyale, et augmente les risques de conflit d’intérêts tel qu’il est généralement défini : un conflit entre la mission d’un agent public et ses intérêts privés, susceptible d’influencer la manière dont il exerce ses fonctions.
Le groupe Managem est emblématique de cette situation, où le roi n’est pas un monarque à la scandinave, neutre, ou un arbitre transcendant les clivages politiques ou administratifs. C’est un acteur dont le statut et les prérogatives en matière de nomination peuvent facilement peser sur le processus d’octroi des permis d’extraction et d’exploitation des métaux précieux au Maroc. Résultat, Managem est depuis des décennies en situation de monopole écrasant dans ce secteur, et est devenu lui aussi intouchable.
Omar Brouksy
Source : Orientxxi.info
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