Kenya et Ethiopie s’affichent en champions du virage écologique

Géothermie pour le premier, énergies éolienne et hydraulique pour le second, ces deux Etats sont en voie de se transformer de fond en comble.

 

L’élève a dépassé le maître. Il y a quelques années encore, les délégations africaines se pressaient en Islande pour avoir un aperçu de cette source d’énergie, de prime abord aussi miraculeuse que mystérieuse. La géothermie, qui consiste à tirer parti de la chaleur qui se trouve naturellement dans le sol, semblait inaccessible à l’Afrique pour très longtemps encore. Mais les choses sont en train de changer à grande vitesse.

Au Kenya, le nombre de personnes connectées au réseau électrique s’est multiplié pratiquement par trois au cours de cette dernière décennie. La clé de ce succès, qui concerne des dizaines de millions de personnes? La géothermie, cette énergie renouvelable et propre, qui n’émet pratiquement pas de gaz à effet de serre.

Pour l’instant, il est vrai, le continent africain n’est responsable que d’une toute petite partie du réchauffement climatique planétaire. Mais l’Afrique est perçue comme une gigantesque bombe à retardement, du fait notamment de l’explosion démographique. Au Kenya, selon les projections, la population est destinée à doubler en l’espace d’une génération. Le développement économique, qui risque d’accroître l’empreinte écologique de chaque habitant, fera le reste: si rien n’était entrepris, le désastre écologique serait assuré.

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Le réchauffement climatique anticipé

 

C’est ici qu’intervient la géothermie. Car dans des pays comme le Kenya, les ingénieurs ont déjà anticipé dans leurs plans un futur réchauffement climatique. Ainsi, sécheresse oblige, le pays entend devenir moins dépendant non seulement du pétrole mais aussi des projets hydroélectriques, perçus pourtant jusqu’ici comme la panacée. A quoi bon, en somme, continuer de construire des barrages si ceux-ci sont amenés à rester secs de plus en plus souvent? Dans son plan nommé Kenya Vision 2030, adopté en 2008 et qui vise à transformer le pays en profondeur, le Kenya prenait acte de ces difficultés liées à l’hydroélectrique et s’engageait à fond sur la voie de la géothermie. D’ores et déjà, près de 40% de l’électricité kényane est assurée par cette ressource souterraine.

Le parc éolien d’Ashegoda, en Ethiopie, le plus grand du continent. Jenny Vaughan/AFP Photo

 

Présentant des caractéristiques géologiques comparables, le voisin du nord du Kenya, l’Ethiopie, est le seul autre Etat africain à exploiter aussi cette énergie renouvelable, dans des proportions, il est vrai, beaucoup plus réduites. Dans son propre plan directeur, le pays s’est engagé à réduire de 64% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Ici aussi, la population va pratiquement doubler en quelque deux décennies. Le pays n’a pas de gaz, pas de pétrole, mais se voit obligé, s’il veut poursuivre son développement, d’accroître sa production d’énergie de 20 à 25% chaque année.

Le tram d’Addis

 

Depuis une dizaine d’années, l’Ethiopie s’affiche elle aussi comme l’un des Etats les plus ambitieux d’Afrique en termes de virage écologique. Depuis 2015, la capitale, Addis-Abeba, est la seule ville de l’Afrique subsaharienne à être quadrillée par un tramway électrique, dont le billet subventionné coûte moins cher qu’une course en taxi et dont les rames ne désemplissent pas. Conçu, construit et financé par la Chine, le tram a coûté près d’un demi-milliard de dollars pour ses seules lignes initiales, doublées entre-temps. Alors que les pannes de courant sont innombrables dans la capitale, il a fallu le doter d’une ligne électrique propre, indépendante du réseau principal.

A l’inverse de son voisin, l’Ethiopie mise pourtant principalement sur le vent et sur l’eau pour répondre à ses besoins en électricité. Le pays s’est lancé dans la construction d’une série de barrages, dont le plus gigantesque est celui de la Renaissance, sur le Nil Bleu, censé déboucher sur la centrale hydroélectrique la plus importante d’Afrique (l’équivalent de six réacteurs nucléaires). Depuis son lancement en 2011, ce projet suscite néanmoins un très fort mécontentement de la part de l’Egypte, habituée à régner sans partage depuis toujours sur les eaux du Nil. «Les parties en présence (Ethiopie, Egypte et Soudan) pourraient arriver jusqu’au conflit, avec de graves conséquences humanitaires, s’ils ne peuvent pas formuler de solutions techniques permettant à la construction du barrage de se dérouler de manière à éviter les chocs économiques et environnementaux des pays en aval», prévenait récemment dans un rapport l’International Crisis Group. Une preuve que la transition vers des énergies douces n’est pas forcément la garantie de relations politiques plus paisibles.

 

 

Luis Lema

Source : Le Temps (Suisse) – Le 11 mai 2019

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